Les publications en autoédition d’archives familiales pèchent parfois par une présentation brouillonne, voire un intérêt limité. Des Gros Frères à la Libellule fait nettement exception. Olivier Demoinet, se sentant dépositaire d’un fragment de l’Histoire de France, en l’occurrence le journal de marche de son grand-père Pierre Hadengue, a cherché à en faire une « lecture de partage » qui ne demeure pas dans le seul cercle de famille. Et bien lui en a pris, car ce journal de marche est une mine de renseignements, un témoignage puissant de ce que pouvait être un parcours d’aviateur pendant la Première Guerre mondiale.
Le journal en lui-même est d’une grande richesse et fourmille de détails d’un intérêt certain, laissant le sentiment que Pierre Hadengue avait conscience du fait qu’il était un témoin de premier ordre des événements qui bouleversèrent le monde de 1914 à 1918. L’aviation, née à peine dix ans avant le début du conflit, fut l’un des éléments-clés de ce grand brasier. En juillet 1914, Pierre Hadengue était un tout jeune officier de cavalerie âgé de 21 ans, affecté au 4e cuirassier. Comme bon nombre de cavaliers, il se laissa tenter en 1915 par cette arme balbutiante mais en devenir qu’était l’aviation. Il fit donc partie des pionniers de l’aéronautique militaire, finissant la guerre comme commandant d’une escadrille d’observation.
La forme de la première partie de cet ouvrage est bien celle d’un journal. Si le texte en est essentiellement factuel, il n’est pas austère pour autant. Bien entendu, Pierre Hadengue, en officier, ne se laisse guère aller à l’étalage de sentiments personnels, mais il enrichit son journal de nombreux détails pas vraiment anodins. Ce témoignage, d’une valeur exceptionnelle, se trouve de surcroît enrichi de près de 300 documents iconographiques inédits. Olivier Demoinet rappelle que les photographies étaient à l’origine regroupées à la fin du récit ; chaque fois qu’il l’a pu, il les a intégrées au texte en faisant correspondre les dates.
Le journal de marche ainsi illustré représente les deux tiers de Des Gros Frères à la Libellule, les 135 pages restantes étant occupées par une volumineux annexe dans laquelle le lecteur trouvera un fac-similé du livre d’or de l’escadrille 270, le livret de l’École d’Aviation de Chartres, des citations, états de services, la « note sur la conduite et le réglage de l’avion Farman type 11 », le « carnet d’emploi du temps », quelques photographies… On notera la présence de l’indispensable index des noms cités. Ajoutons que certains passages sont illustrés de cartes tout à fait bienvenues.
La présentation de l’ensemble est soignée, l’impression de qualité a été faite sur un papier couché satiné de fort grammage (115g/m2). Ramage, plumage, tout y est, y compris le prix modique de 25 € qui rend l’ouvrage abordable.
Philippe Ballarini
358 pages, 21 x 29,7 cm, couverture souple à rabats
1,396 kg
– Préface du général André Bach
NDLR : S’il fallait trouver un péché à ce livre, ce serait celui-ci : peut-être aurait-il été plus élégant (et plus digeste) d’avoir recours à une mise en page sur deux colonnes plutôt que sur une seule, mais cela aurait sérieusement compliqué la mise en page. Reconnaissons que c’est un péché bien véniel au regard des qualités de cet ouvrage. De même que des sauts de ligne auraient un peu aéré le texte… mais nécessairement fait grimper le prix d’un livre qui, rappelons-le, est proposé à un prix plus que raisonnable.
Avec l’aimable autorisation d’Olivier Demoinet
Avec l’aimable autorisation d’Olivier Demoinet
Avec l’aimable autorisation d’Olivier Demoinet
Avec l’aimable autorisation d’Olivier Demoinet