Nous sommes nombreux à nous être régalés avec le premier livre de Gérard Desbois Autour de l’avion. Nous n’attendions que ça, c’est fait : il a récidivé ! Et autant l’annoncer tout de suite, il a encore fait très fort. Nous savions son écriture alerte, vive, passionnée, il le confirme à chaque page, avec un petit truc en plus, une liberté de ton et de parole assez inédite.
Petit rappel : Desbois est pilote privé pour le plaisir, et pour gagner sa croûte, il est ingénieur mécanicien navigant d’essais chez Airbus, ce qui lui permet de se comparer au Petit Jésus, car dans un cockpit, « il est assis entre le bœuf et l’âne ». À ce titre, il a été du vol inaugural du « géant qui murmure », l’Airbus A380, avion qui lui tient particulièrement à cœur et à qui il consacre des pages aussi passionnées que truculentes. Mais depuis avril 2005, Airbus a été placé sous le sceau du plan Power 8, consécutif à une série de problèmes industriels qui ont eu des conséquences désastreuses sur le plan financier et qui se traduisent par un « resserrage de ceinture » global.
Mais voilà : Gérard n’a pas sa plume dans sa poche et, amoureux de son métier et de son entreprise, n’hésite pas à dénoncer les dérives technocratiques d’une entreprise qu’il sent perdre son âme. Avec une liberté de ton absolument inédite, Gérard Desbois balance à tour de bras, et toujours avec style, sur la germanisation d’EADS (l’anecdote sur le Salon du Bourget 2009 est tout simplement hallucinante), sur les bévues de communications de l’entreprise qui semble avoir oublié qu’avant d’être une multinationale hyper-rentable, elle se doit avant tout de produire des avions.
Et ces avions, Desbois les aime… Et les hommes avec qui il travaille également. Plusieurs des textes de ce livre sont des discours qu’il a eus à prononcer lors de pots de départ en retraite ou de changements de service. Celui qu’il a prononcé pour Claude Lelaie est un petit chef-d’œuvre d’humour et un hommage remarquable. Mais on retrouve également un autre grand moment de drôlerie avec la réponse toute savoureuse qu’il avait préparée pour un riverain grincheux d’avoir été victime d’un « dégazage en plein ciel par un A380 ». L’auteur ne déteste pas non plus se moquer de lui-même comme lorsqu’il déploie par erreur un toboggan d’évacuation en plein roulage de l’A380…
Bien sûr, on retrouve également tous les récits qui font aussi l’intérêt du bonhomme, la glorification du système D à la française, le monde des essais en vol, ses contraintes, ses joies et ses petites histoires, la confrontation de l’aviateur au monde réel avec quelques anecdotes personnelles, médicales ou administratives (aaah, le visa pour les USA !) qui auraient pu inspirer Courteline, et bien sûr cet amour omniprésent du vol, qu’il s’agisse de s’envoyer en l’air avec le plus gros avion de ligne du monde ou bien un modeste Piper Cub…
Dans la lignée des aviateurs-écrivains de Toulouse, avec les Darolles et autres Tutaj, Desbois nous offre un livre, qui par sa très grande liberté de parole fait un bien fou, que ce soit par la musculation intensive des zygomatiques qu’une stimulation subtile et intéressante du cortex cérébral.
Frédéric Marsaly
250 pages, 16 x 24 cm, broché