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Deux shillings

Souvenirs d’un fils perdu
Éric Richard Gaillet

L’évènement aurait pu ne faire l’objet que d’un entrefilet, ou peut-être d’un traitement sur une ou deux pages. Mais…

En fin d’hiver 1944-45, les Allemands ont été chassés de Belgique par les Alliés, et les troupes américaines se sont établies outre-Quiévrain pour poursuivre l’offensive. Le 3 mars, de retour d’une mission de bombardement sur l’Allemagne, deux B17 de l’USAAF entrent en collision près de Charleroi, la Forteresse Volante du haut chutant sur celle du bas, labourant son fuselage de ses hélices et coupant ainsi la partie arrière. Du premier appareil, les membres d’équipage seront quasiment tous saufs. Du second, par contre, seul le mitrailleur arrière s’en sortira, parvenant in-extremis à sauter en parachute depuis la queue de l’avion. Tous les autres membres d’équipage de ce bombardier lourd seront tués dans l’accident ou en chutant de l’appareil désemparé.

Mais, disions-nous, à Forchies-la-Marche, village minier où tombent l’avion et son équipage, parmi les nombreux spectateurs sidérés par la chute des corps, se trouve une jeune fille. Bien des années plus tard, son fils, Éric Richard Gaillet, a voulu mieux comprendre ce qui s’est passé ce jour-là et savoir, au-delà des années écoulées, qui étaient ces tout jeunes hommes que la mort a ce jour-là désignés.

Il s’agit ici de la deuxième édition de ce livre, qui se présente comme le journal d’une enquête. La chronologie est celle de cette recherche, et quand des lettres originales ou d’autres documents anciens sont présentés, ils le sont au fur et à mesure de leur découverte. Nous suivons donc l’auteur, au fil des retranscriptions de ses échanges épistolaires avec les familles et les proches survivants, dans un grand jeu de piste. C’est une reconstitution très précise grâce à de nombreux témoignages. On fait ainsi connaissance, un par un, avec chacun des jeunes gens qui étaient à bord, et cela nous les rend très proches.

Le texte est très aéré, coupé en de courts paragraphes, et étayé par de nombreuses notes de bas de page. Cela n’entrave pas vraiment la lecture, mais il n’est pas exempt, de ci, de là, de fautes de syntaxe, de concordance des temps, de manque d’unité dans la traduction des « you » américains, devenant tantôt « tu », tantôt « vous » et d’autres difficultés de traductions (grades, unités aériennes…). Heureusement, pour la dernière partie rédactionnelle constituée d’un journal des missions de l’un des personnages principaux, le « fils perdu » du sous-titre, l’auteur a choisi de nous présenter à la fois la transcription originale en anglais et la traduction française de ses textes. Pour peu que vous soyez un tant soit peu angliciste, c’est très appréciable car cela prévient les éventuelles erreurs.
Puis, pour finir, un livret de 70 pages regroupe les reproductions de photos et de documents annoncées dans les différentes lettres.

L’histoire des « Deux shillings » éponymes sert de fil rouge entre le début et la fin du livre, commençant comme un mystère et finissant par nous rendre plus tangible l’existence d’un de ces jeunes combattants et le vide qu’ils ont laissé. On réalise que la guerre était faite par des « gamins » de 19, 20, 21 ans… et que des mères n’ont jamais pu se résoudre à admettre la nouvelle de leur mort.

Par la dynamique de sa construction, cet ouvrage rend un hommage mérité à ces jeunes victimes et nous fait nous interroger sur ces destins brisés.

Jean-Noël Violette


456 pages, 14×22 cm, broché, couverture souple

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En bref

ISBN 9798862004724

Édité par l’auteur

20,52 €