Ouvrage épuisé
Sujet toujours fort appréciable, ce livre aborde l’un des prototypes français les plus emblématiques de l’après-guerre, le Trident. L’approche de ce livre est toutefois fort originale, voire quelque peu déroutante. Paul Gauge, jeune ingénieur, débuta sa carrière à la SNCASO, dans le milieu de l’aviation et des fusées en participant aux essais en vol des Trident. Il poursuivit ensuite dans ce domaine jusqu’à sa participation active au prestigieux programme Ariane. C’est donc un témoignage au cœur de l’action que nous présente ce livre.
L’ouvrage se présente sous forme d’un gros livre, format à l’italienne, avec une épaisse couverture cartonnée, illustrée d’un surprenant dessin de Jean-Jacques Petit, qui nous propose d’imaginer ce à quoi aurait pu ressembler un Trident au sein d’une unité de chasse de l’armée de l’Air. Les pages sont imprimées avec une grande qualité, tout en couleur, sur un papier à fort grammage. Cette présentation luxueuse sert d’écrin à une iconographie magnifique, qui fait la part belle aux photographies d’époque, souvent en couleurs, exceptionnelles. De nombreux plans, dessins et fac-similés de documents enrichissent encore cette impression de richesse qui apparaît dès que l’on feuillette ce magnifique ouvrage.
Le contenu est découpé essentiellement en trois parties. La première est un historique succinct, richement illustré, présenté dans un ordre chronologique. La seconde partie est nettement plus surprenante par son choix d’organisation : l’auteur a choisi de présenter ses idées et ses souvenirs sous forme de chroniques thématiques, en les classant dans l’ordre alphabétique ! Quant à la troisième, il s’agit de courtes annexes permettant de replacer l’aventure dans son contexte.
Le début du livre pourrait être considéré comme sa partie la plus classique. À travers quelques dates marquantes, richement illustrées de superbes photographies, de fac-similés de documents d’archives et de divers dessins explicatifs fort judicieux, l’auteur égrène les évènements qui ont jalonné les essais de ces avions futuristes. Les commentaires qui accompagnent les pages font revivre l’ambiance des essais en vol au travers des personnes et des anecdotes, parsemant des explications techniques à la fois précises et concises, agréables à lire malgré quelques maladresses typographiques. Il ne s’agit pas d’un historique élaboré, mais plutôt d’une sélection de dates particulières, à travers lesquelles l’auteur fait partager son vécu avec ferveur, mais également ses connaissances pointues des particularités techniques. L’auteur a réalisé des recherches auprès d’autres acteurs de l’époque pour enrichir son exposé d’informations précises sur les circonstances qu’il relate.
Le second chapitre est à la fois le plus enrichissant et le plus déconcertant à la lecture. La passion de l’auteur pour cette aventure et son admiration pour les acteurs de l’époque transparaît tout au long de l’ouvrage. Les explications techniques font ressortir la rigueur de l’ingénieur. Néanmoins, seuls sont présentés en détail les aspects qui concernent les essais en vol du constructeur et, dans une moindre mesure, ceux des services étatiques. D’autre thèmes sont abordés, mais généralement évoqués avec moins de détails, tels que les projets des bureaux d’étude, les essais en soufflerie, la fabrication des prototypes, la mise en place de la chaîne de montage pour les préséries, les volets administratifs et politiques, le point de vue des services officiels, les programmes techniques, la concurrence, etc. Bref, à la lecture, on y apprend énormément de choses, avec un niveau de détail technique insoupçonnable, tout en restant abordable par tous, ce qui n’est pas un mince exploit. On découvre également le rôle et la personnalité passionnante de bon nombre d’intervenants.
Paul Gauge nous fait partager une aventure et une passion à travers ce superbe ouvrage. Il y a même collecté les dessins plus ou moins réussis de nombreux illustrateurs. Il achève sur une réflexion qui lui a beaucoup tenu à cœur ces dernières années, au sujet des premiers vols français aux frontières de Mach 2. Un livre à recommander, tout autant pour son iconographie remarquable que pour son contenu historique, témoignage porté par un intervenant privilégié, dont la passion n’a pas faibli avec les ans.
Philippe Ricco
288 pages, 30,7 x 24,7 cm
Relié cousu, couverture cartonnée
– Coup de cœur 2009 des aérobibliothécaires
– Médaille de l’Académie de l’Air et de l’Espace (2010 )
L’auteur :
80 ans le 27 janvier 2009, passionné d’aviation, entré à la SNCASO en mars 1953, ingénieur d’essais, plus particulièrement chargé du Trident SO 9050 003 d’avril 1957 à mai 1958. Il quitte Sud-Aviation en janvier 1959 pour les avions Jodel. Retour dans le vacarme des fusées en 1961 à la SEPR, où il participe à la mise au point des moteurs fusée du Mirage III (SEPR. 841-844). De 1965 à 1971 à la SEDAM (Société d’Études et de Développement des Aéroglisseurs Marins) : directeur du centre d’essais de Berre. Découverte du spatial chez Cryorocket, le CNES, enfin à Arianespace où il terminera sa carrière en 1990 comme Directeur Industriel Adjoint. Depuis 1990, retraité, il a travaillé à la préparation et à la réalisation de trois ouvrages : – Arianespace 1980-1990, témoignages – Ariane 4, témoignages (Prix IFHE 2003) – Dictionnaire fanatique du Trident. |