Disons-le tout de suite, cet ouvrage est remarquable de par sa qualité de réalisation, et par le charme qui en émane. Mais, pour mieux vous l’expliquer, il me faut revenir auparavant sur une initiation vécue en trois étapes.
La première fut chanceuse pour moi, il y a une quinzaine d’année, par la découverte de plusieurs séries de cartes postales aéronautiques anciennes, certaines encore vendues par le Musée de l’Air à Paris, d’autres trouvées en braderies, et quelques unes enfin m’ayant été simplement offertes. Dans ces cas-là, il est vite tentant d’en savoir plus, et notamment d’identifier les peintres et illustrateurs les ayant réalisées, de retrouver vers quelle époque ce le fut, de savoir combien de modèles composaient ces séries, etc. Si, par leurs paraphes, certains noms sont simples à lire (Louis Petit, par exemple), deux autres signatures me posaient problème. Comment faire ?
Il fallu attendre plusieurs années avant une deuxième opportunité, offerte alors par Internet, la possibilité de solliciter d’autres passionnés de ces jolies images pour m’aider à les identifier. On m’expliqua que l’une des signatures était celle de Roger Dontrie, par ailleurs illustrateur des couvertures de Science & Vie. Et que l’autre, dont je n’arrivais à lire que le début « Ph-Ch… » appartenait à Philippe Charbonneaux, un designer plus connu pour ses réalisations automobiles et industrielles.
Autant dire que l’annonce de la parution fin 2022 d’un ouvrage sur ce dernier sonna comme un carillon salvateur, la troisième étape sur le chemin de la connaissance.
L’ouvrage se présente comme un « beau livre » au format A4, présenté à l’italienne. Le papier de fort grammage met en valeur la qualité des nombreuses photos et leur rend honneur. Les textes sont d’Hervé Charbonneaux, le fils de Philippe, pour ce qui est de la biographie et des récits familiaux, et de l’éditeur Roger Gaborieau pour l’histoire des avions représentés (*). Si les multiples talents de Philippe Charbonneaux sont rappelés (artistiques, techniques, musicaux, visionnaires), la première partie ne tourne pas trop à l’hagiographie. Les grandes réalisations automobiles du styliste sont bien entendu rappelées, le dessin des Renault R8 et R16, de la Chevrolet Corvette, celui de mémorables camions chez Bernard et Berliet, différents véhicules publicitaires, navettes et tracteurs de piste, etc. Hervé Charbonneaux nous présente aussi quelques objets du quotidien re-liftés par le touche-à-tout autodidacte de génie qu’était son père : modèles de télévisions, de stylos, de réfrigérateurs aux lignes futuristes…
Si l’aviation lui a valu une première notoriété en début de carrière, elle semble ensuite être restée une passion extra-professionnelle. La seconde partie, et la plus importante, axée sur le domaine aérien, est surtout un magnifique catalogue des peintures, illustrations et carnets de croquis de l’artiste. Bien peu de ces travaux sont signalés comme ayant donné lieu à une parution comme affiche, carte postale, illustration de livre ou de revue, et l’on suppose que les remarquables peintures présentées pleine-page sont simplement issues de la collection familiale. Alors, profitons de cette rétrospective, c’est une petite histoire picturale de l’aviation, des pionniers jusqu’aux premiers jets, qui nous est présentée, mais aussi un nostalgique regard sur un merveilleux peintre de l’aérien, au charme très emblématique des Trente Glorieuses.
Dans la préface qu’il a signée, le pilote et ami du designer, Jean-Luc Morere, évoque le fait que ce livre prend le relai d’un premier opus « Philippe Charbonneaux, du dessin au design », un précédent ouvrage de Hervé Charbonneaux, paru il y a quelques années chez Avant-Propos.
En replongeant dans mes quelques cartes postales des années d’Après-Guerre pour y retrouver celles de la série de fin 1944 de Philippe Charbonneaux, je contemple cette signature désormais impossible à oublier. Merci aux auteurs de « Du dessin aux nuages » pour ce beau livre si agréable.
Jean-Noël Violette
(*) Note : juste pour être complet, deux broutilles, la désignation du Triton était SO-6000 (et non pas SO-600), et le Messerschmitt 262 était appelé Schwalbe (hirondelle), et non pas Swalbe/Faucon.
Au sommaire:
L’art, l’automobile et l’aviation
Styliste de l’automobile…
…Et du quotidien
L’artiste de l’air
L’illustrateur
L’aéromodélisme
Les pionniers
La Grande Guerre
Raids et records
La vitesse
Les planeurs
L’aviation de loisirs
La seconde guerre mondiale
Premiers jets
Les hélicos
L’aviation commerciale
L’aéroport
Visionnaire et chercheur
Annexes.
Format 29,7 x 21, relié, couverture cartonnée
208 pages, 344 illustrations