De la cigogne au criquet ? Serait-ce l’allégorie d’une disette ou du changement d’habitude alimentaire d’un crocodile ? Non, la cigogne, en allemand Storch, c’est cet appareil d’observation haut perché sur de longues pattes compressibles, conçu par Fieseler pour lui permettre des décollages et des atterrissages très courts, et construit en nombre, pour ceux qui vont nous intéresser, par Morane-Saulnier en France. Et, justement, le Criquet, c’est le nom donné aux versions militaires issues du premier, et développées ensuite par Morane à partir de l’expérience précédemment acquise.
Sur les aérodromes, le nom « Storch » a souvent été donné, certes par excès de langage mais avec beaucoup d’affection, à tous les appareils de cette famille.
La monographie que nous propose Alain Wadsworth aux éditions LELA Presse, dont le titre complet est « Du Fieseler Fi 156 au Morane-Saulnier 500, de la Cigogne au Criquet », est techniquement un très beau travail, très complet, avec une profusion de détails. Tout est bien présenté, avec même les nombreuses (près de 400) notes de bas de page affichées d’une couleur différente pour en améliorer la visibilité. La partie rédactionnelle occupe les 217 premières pages organisées autour des chapitres suivants :
* Le Fi 156 : modèles, évolution, production française, décorations et marquages, histoires et anecdotes, photothèque, etc.
* Le Fi 256 : présentation, modes de construction, performances et qualités de vol, etc.
* Le MS 500 : modèles, évolution, équipements, décoration et marquage, histoires et anecdotes, photothèque, etc.
* Les moteurs : Argus, Salmson, Renault, Isotta, Jacobs…
Puis s’ensuivent 150 pages d’annexes très appréciables : plans trois-vues au 1/48e, profils couleurs de Vincent Dhorne, écorchés, documents techniques, liste de production des MS 500, liste d’immatriculation des Fi 156, liste des MS 505, etc.
Au point de vue façonnage, c’est beau, c’est parfait, et l’éditeur en est coutumier : couverture cartonnée épaisse, belle reliure, papier glacé mettant en valeur les nombreuses photos en noir & blanc, parfois en couleurs.
La notion de « très complet » est valable pour la France. Mais comme on apprend au détour de la page 26 qu’il se produit un changement de type C7 dans la série produite en Tchécoslovaquie occupée, aux alentours du WNr 110600, on comprend qu’il doit manquer un pan de l’histoire et que des Fi 156 ont dû être fabriqués ailleurs qu’à Kassel ou qu’en France.
Pour rendre également le côté « humain » de l’appareil et de son utilisation, vous aurez noté dans les listes ci-dessus que nous sont proposées pour le Fi 156 et pour le MS 500 quelques histoires et anecdotes. Étrangement, on ne retrouve pas les plus célèbres aventures par lesquelles cet appareil s’est fait connaître (*). C’est un choix de l’auteur que l’on peut apprécier car cela change des récits peut-être trop lus et relus. Il est cependant dommage que, pour ce qui est d’un des grandes spécialités du Storch et de ses petits frères, le remorquage de planeurs, ces anecdotes soient regroupées et résumées dans un seul de ces 18 petits récits. C’est regrettable en pensant qu’une partie du lectorat potentiel est précisément celui qui a connu ces remorqueurs bruyants et gourmands sur les terrains de vol à voile. Gageons que l’auteur fera l’objet d’un « courrier des lecteurs » lui racontant telle ou telle anecdote liée au « Storch ».
Ce n’est donc pas ici que vous découvrirez de façon développée les exploits des Storch au Glacier du Gauli, au Gran Sasso ou dans les rues de Berlin. Mais la littérature aéronautique, voire Internet en général, en sont riches si vous voulez approfondir le sujet. Par contre, pour ce qui est de la documentation technique, l’amateur éclairé trouvera à coup sûr son bonheur.
Si, en attendant et pour le plaisir sonore, on se demande comment on est passé de la cigogne au criquet, peut-être est-ce parce que si le criquet stridule, la cigogne craquète… ?
Jean-Noël Violette
Note :
Quelques cas célèbres absents, ou presque :
* Héroïquement, c’est un de ces appareils qui fut utilisé sur skis en Suisse en 1946 pour le sauvetage de naufragés des neiges sur le glacier du Gauli. On en parle un peu ici, un paragraphe, page 182 ;
* C’est aussi un Storch qu’utilisa le commando d’Otto Skorzeny, extrayant Mussolini au Gran Sasso en septembre 1943. Il y a tout de même une photo de Skorzeny page 29, sans préciser pourquoi. On trouve aussi mentionné dans la liste de production, pour un des appareils : « Utilisé pour la libération de Mussolini ;
* Cela aurait pu aussi être celui de Hannah Reitsch, en avril 1945, revenant se poser dans Berlin pour essayer de convaincre Hitler de prendre la fuite avec elle ;
* Plus amusant, il y a également celui abattu, dans « La Grande Vadrouille », par Michel Modo jouant un mitrailleur allemand affligé d’un terrible strabisme. Ce film est cité sans plus d’explication dans la liste des ressources utilisées, page 215.
320 pages, format A4, Livre relié
Plus de 380 photos et 20 profils en couleur, 1,510 kg