2e édition
mai 2021
Coup de cœur 2019 |
Autant l’affirmer directement : ce livre est une mine d’or !
Cela fait plus de vingt ans que René Bouvier et Philippe Couderchon ont décidé de se pencher sérieusement sur l’histoire des NC.900, version française du fameux chasseur allemand Focke-Wulf Fw 190. « Sérieusement » est presque un euphémisme : il y a plus de dix ans, le livre était « presque prêt » et les premières relectures ont commencé. C’était déjà un ouvrage remarquable. Et pourtant, les auteurs ont préférer continuer à approfondir le sujet. Entre-temps, René Bouvier est hélas décédé et Philippe Couderchon a terminé seul les recherches et la rédaction. Et voici enfin cette remarquable étude enfin publiée ! On ne peut que s’en réjouir. L’attente en valait la peine, l’œuvre finale tient toutes ses promesses.
Parlons du livre lui-même, publié chez Lela Presse ; la qualité d’impression est devenue une habitude chez cet éditeur, mais ce n’est pas une raison pour oublier de s’en féliciter à chaque nouvel ouvrage. Bien que le papier soit un peu fin, il ne souffre pas de transparence et permet de faire tenir près de 500 pages dans un livre au format A4 de « seulement » 2,5 cm d’épaisseur pour 2 kg. Seule la sensibilité à l’humidité oblige à être attentif au stockage de ces ouvrages à reliure classique cartonnée. Les pages intégralement imprimées en quadrichromie sont bien chargées, à la fois par le texte très fouillé et par les photos de grande qualité, noir et blanc aussi bien que couleur.
Quant au sujet de l’ouvrage, comme l’indique son titre, il n’est pas uniquement concentré sur les NC.900 ; il couvre toute leur histoire depuis la genèse de leurs usines jusqu’aux diverses évolutions du dernier survivant au Musée de l’Air.
En fait, en partant du thème NC.900, les auteurs se sont étendus à l’étude de l’usine de Cravant où ils étaient assemblés, dans ses longues galeries souterraines. Voilà qui les a amenés à explorer l’histoire de la construction durant l’entre-deux guerres d’une série d’usines d’aviation blindées ou enterrées. Cela constitue le premier volet de l’étude, suivi de l’implication des usines aéronautiques française dans l’assemblage et l’entretien de Fw 190. On explore ainsi l’ensemble du sujet avec une multitude de cartes, de détails, de documents originaux reproduits tels quels, de témoignages, etc., le tout avec une impressionnante précision. Ces chapitres foisonnent de détails et comportent également des analyses qui prennent suffisamment de recul pour bien appréhender comment tout cela s’articule dans le contexte de l’époque et toute son évolution. On en apprend non seulement beaucoup sur Cravant et sur le terrain voisin d’Auxerre-Monéteau, mais également sur Villacoublay, ou encore sur des sites plus secondaires dans cette histoire comme Marignane, Ambérieu, Creil, etc., puis sur les Frontreparatur*->#aster] mis en place sur le territoire français, sous la responsabilité de l’entreprise allemande AGO*. Les détails vont jusqu’aux chiffres précis de ces activités et aux bilans précis de chacun des bombardements subis par les sites français. Cela occupe près de 200 pages du livre, puisque le chapitre charnière « du Fw 190 au NC.900 » ne commence qu’à la page 196.
La suite débute par un inventaire détaillé de la situation à la Libération, avec les photos des ateliers installés dans les cavernes de Cravant, avec les témoignages des ouvriers sur la difficile reprise, puis les premiers avions portant les cocardes tricolores. Nous avons même droit à la reproduction des pages les plus intéressantes des carnets de vol de pilotes ayant volé sur ces avions, avant le passage sous le couvert de la société Aérocentre, créée avant-guerre en tant que SNCAC*.
Évidemment, le passage de ces NC.900 au sein du Normandie-Niemen constitue un morceau de choix, avec de très nombreux détails sur le retour de cette glorieuse formation en France et sur ce qui l’attendait après la fin de la guerre, période moins glorieuse et moins souvent abordée, et surtout rarement avec autant de précision. L’adoption d’un avion ennemi par cette glorieuse escadrille a provoqué bien des problèmes et de remous jusqu’au niveau politique, mais laissons le soin aux lecteurs de découvrir tout cela par le détail dans le livre. Quant au dernier utilisateur de ces avions, le CEV*, il occupe évidemment lui aussi une part importante des chapitres finaux, avec une liste détaillant non seulement les avions, mais même les vols réalisés par chacun.
N’oublions pas les annexes, avec des séries de photos en couleur du poste de pilotage et de la structure interne de l’exemplaire du Musée de l’Air et de l’Espace, une vue de synthèse chronologique de la carrière de tous les AACr* et NC.900, l’impressionnante liste des accidents, ainsi que quelques listes complémentaires, dont celle des 932 Fw 190 entrés en réparation au Frontreparatur* de Cravant. La liste des sources, références et la bibliographie qui termine l’ouvrage couvre à elle seule trois pages en tout petits caractères, mais cela donne un aperçu de l’énorme travail accompli pour réunir la documentation et produire cet ouvrage.
Un morceau de choix magnifique ; ce livre est un plaisir à lire et un exemple à suivre pour le sérieux des recherches présentées. L’iconographie est également d’un très haut niveau et on ne peut qu’en remercier les auteurs et l’éditeur. Un livre à acheter et à lire absolument !
Philippe Ricco
* Frontreparatur : Atelier de Réparation du Front (traduction littérale)
* AGO : Apparatebau GmbH Oschersleben SARL de construction d’appareils (aéronautiques) d’Oschersleben (Allemagne)
* SNCAC : Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Centre, créée par les nationalisations de 1936
* CEV : Centre d’Essais en Vol
* AACr : Atelier de l’Air de Cravant
480 pages, 21,7 x 35 cm, relié/cartonné
2,010 kg
31 profils de Vincent Dhorne
– Collection Histoire de l’Aviation N°28
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