Parmi les nombreux ouvrages que les aérobilbliothécaires voient passer entre leur mains, certains se distinguent comme ici par l’originalité du sujet abordé.
En effet, si la réapparition du Salon de l’Aéronautique parisien dès la fin de l’année 1919 est bien connue des amateurs, la manifestation néerlandaise dont Rob Mulder exhume ici le souvenir l’est beaucoup moins, organisée dans la banlieue d’Amsterdam dès l’été qui suit la signature de l’Armistice, exposition que ses promoteurs veulent voir consacrée à la seule aviation civile – on le verra – avec un bonheur mitigé.
Bien entendu, l’événement sera relaté à l’époque par la presse, qu’elle soit spécialisée ou à grand tirage, et donc ne disparaîtra pas complètement de la mémoire des spécialistes ; mais on lira avec un intérêt particulier la préface de l’auteur dans laquelle il revient sur les difficultés rencontrées dans sa recherche de sources plus fiables que de simples comptes-rendus journalistiques parfois approximatifs.
L’organisation, puis le déroulement de la manifestation sont décrites par l’auteur avec une grande précision, mais il parvient à éviter l’écueil qu’aurait représenté une simple monographie anecdotique.
En particulier à l’aide d’une iconographie extrêmement riche, il réussit à redonner vie à cette période largement méconnue de la plupart d’entre-nous que sont les quelques mois de l’immédiat après-guerre ; le caractère éphémère de bien des initiatives prises alors, allié à l’absence de sources nombreuses, a trop souvent conduit bien des historiens à en éviter la fréquentation…
L’événement est replacé de manière pertinente dans le contexte aéronautique européen, même si en spécialiste déclaré de l’histoire de la genèse des premières compagnies aériennes, l’auteur accorde une place trop importante à la chronologie des ouvertures de lignes, au détriment d’une vision plus globale des difficultés auxquelles doit faire face cette industrie naissante, dont le développement va souvent être contrarié par les enjeux politiques.
Suivant en cela l’aspiration des « opinions publiques » du Continent, les organisateurs de l’exposition privilégient formellement l’aviation civile en tentant même d’en bannir les fabricants de matériel exclusivement militaire, contrainte que bien des constructeurs réussissent à contourner et de toute manière, la diplomatie n’abandonne pas facilement ses droits ; on voit parfaitement transparaître les pourparlers de la conférence de Paris à travers l’opposition des alliés à la présence d’exposants germaniques, et ceci bien que les Pays-Bas aient réussi à rester neutre au cours du conflit mondial.
Sur un plan plus strictement néerlandais enfin, Rob Mulder nous montre parfaitement l’importance que revêt l’organisation de ce Salon dans la naissance de l’aviation commerciale de son pays. Le moindre exemple n’en est certainement pas l’énergie dépensée par un jeune officier, Albert Plesman, pour convaincre tout autant ses supérieurs que les responsables politiques de l’importance d’une telle manifestation, lequel Albert Plesman prendra un jour la présidence de la compagnie KLM.
On regrettera juste que la présentation en deux parties des constructeurs présents et de leur appareils n’ait pas été rassemblée de façon plus synthétique.
Un ouvrage au sujet particulièrement « pointu » donc, mais qui par ses qualités saura trouver sa place dans la bibliothèque de celui qui s’intéresse à la période de l’entre-deux-guerres.
Pierre-François Mary
234 pages, 30 x 22 cm
En anglais / in English