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En vol sous le rideau de fer

Quand les Mirage III espionnaient l’ex-URSS
Vincent Scotto

Le livre de Vincent Scotto-Di Vettimo est un excellent témoignage sur un parcours dans l’armée de l’Air au temps de la Guerre froide : formation au Canada en 1952-53, très rapide affectation comme jeune moniteur sur T-6 à Marrakech, où il reste cinq ans, chasseur à Orange sur Super-Mystère B2 en 1961, pilote de reconnaissance à Strasbourg en 1962, sur RF-84F Thunderflash puis sur Mirage IIIR, et enfin instructeur à « l’Académie Mirage » de Dijon en 1966, le tout saupoudré de ses aventures et mésaventures maritales et familiales. La fin de son contrat d’ORSA (1) et un incident en vol, que vous découvrirez, mettent fin à sa carrière militaire comme un couperet. Mais nous sommes rassurés par quelques notes sur ce que l’aviation a continué à représenter dans son existence civile ultérieure.

Le tout est bien écrit, sans fautes d’orthographe (2) et très peu d’erreurs typographiques (3), dans une langue soignée et enrichie d’un vocabulaire que l’on sent recherché, avec juste quelques faiblesses au niveau du chassé-croisé des temps de narration dans certains chapitres.

Une particularité, qui sautera aux yeux du lecteur, est la redondance de certaines anecdotes que l’on retrouve au fil de la lecture des différents chapitres (4). Mais peut-être est-ce un secret pédagogique de l’enseignant expert. Ne dit-on pas que, lors d’un exposé, il faut répéter un concept entre trois et cinq fois pour qu’il soit bien compris ?

De nombreux passages du livre sont plutôt introspectifs. Ce sont des réflexions sur la différence entre une vie de pilote et un “métier” ou un “emploi”, sur la vision d’un pilote militaire comme potentiel tueur, sur la pression que faisait ressentir la menace d’apocalypse nucléaire ou sur l’obligation de réserve politique des militaires qui n’en pensent pas moins…

Il nous faut enfin nous attarder sur les titre « En vol sous le Rideau de Fer » et sous-titre « Quand les Mirage III espionnaient l’ex-URSS » de l’ouvrage. On ne sait s’ils sont un choix de l’auteur ou de son éditeur. Leur côté “recherche du sensationnel” peut attirer la main de l’acheteur dans un kiosque de presse. Mais ils décevront ensuite le lecteur, surtout si c’est un passionné d’aviation. En effet, si Vincent Scotto nous parle de missions tournées vers l’Allemagne en pensant très fort à un danger potentiel venant de l’Est, à aucun moment le récit ne parle de « passer sous le rideau de fer » ou « d’espionner l’URSS ». On s’y prépare, mais ça n’arrive jamais. L’auteur le déclare lui-même, c’est un métier de barbouze le long du rideau de fer.

Mais après tout, Samuel Beckett est bien devenu célèbre avec sa pièce « En attendant Godot », dans laquelle Godot n’arrive jamais…

Par contre nous sont largement commentés les exercices Royal Flush et les journées portes-ouvertes. C’est une autre façon d’être guerrier, en entraînement et compétition de haut-niveau ou en communiquant sa passion auprès des jeunes visiteurs.

Plutôt que ce titre un peu galvaudé, il faut retenir le grand intérêt du livre comme témoignage sur les années Guerre-froide, en imaginant le désastre qu’aurait alors pu provoquer la moindre erreur. Ajoutons qu’un carnet central de 18 photos vient illustrer la lecture.

Jean-Noël Violette

Notes
(1) ORSA : Officier de Réserve en Situation d’Activité, type de contrat pour les officiers pilotes qui ne sont pas passés par l’École de l’Air, alors limité à quinze ans.

(2) Cela paraît normal, mais on trouve tellement d’ouvrages négligés à ce niveau lorsque l’on prépare des recensions pour l’Aérobibliothèque que je tenais à souligner le soin apporté dans l’écriture de celui-ci.

(3) Quelques erreurs de saisie qui ressemblent à la retranscription d’un brouillon manuscrit : un Super Mystère B2 devenu 82, la Base-école 707 devenue BE 101.

(4) Le regret de ne pas avoir tenu son journal et devoir se contenter de ses carnets de vol, les cours d’eau descendant de l’Atlas, les quatre classes d’instructeurs, l’instabilité constitutionnelle de la 4e République, le Maccarthysme, le fait de ne jamais regretter le moindre jour passé dans telle ou telle affectation, la définition d’un Winstub, l’épée de Damoclès que constitue chaque visite médicale, les décollages qui ne sont jamais pareils, l’histoire de la dame qui l’interpelle sur un trottoir de San Francisco, etc.


137 pages, 15,3 x 24 cm, broché, couverture souple

0,240 kg

En bref

JPO Éditions

ISBN 978-2-373-01141-8

24,35 €