Voici deux mots que vous trouverez rarement sur la même couverture : encyclopédie et cartoon. Le premier évoque un ouvrage volumineux, sérieux et fouillé ; le second, un dessin simple, rigolo et approximatif. Le mélange des genres est donc au cœur de la démarche de Laurent Chassard. Pour l’aspect encyclopédique, il nous présente ici tout ce que la Royal Air Force et la Fleet Air Arm ont utilisé, les évolutions technologiques associées et les principaux théâtres d’opérations ; mais, plutôt que des images d’archives austères, les textes sont accompagnés de dessins légers et caricaturaux.
La recette est fort sympathique. Les présentations des appareils sont brèves, simplifiées mais agréables. Le volume réduit de l’ouvrage (98 pages seulement) a obligé l’auteur à aller à l’essentiel, mais il a généralement su faire ressortir les éléments remarquables et bons à savoir de chaque appareil et de chaque événement. Il en va de même des illustrations : les profils rondouillards, qui rappellent un peu les egg planes d’Hasegawa, sont plutôt précis, les principaux traits des modèles ressortent bien et les détails d’équipement sont précisément restitués.
Il faut toutefois mitiger le tableau. D’abord, comme parfois chez cet éditeur, la mise en page extrêmement dense semble çà et là entasser les éléments au hasard. L’ordre de lecture des pavés n’est pas toujours clair (en colonnes ou en grille ?) et certains sujets sont placés sans logique. Mention spéciale au De Havilland Comet, dont les accidents sont présentés entre… le Sea Hawk et le Pioneer*, page 31, alors que le Comet lui-même ne sera évoqué qu’en page 41 ! Ensuite, de nombreuses fautes d’orthographe et erreurs de nomenclature gâchent un peu la lecture. Par exemple, sur la seule double page 86-87, vous trouverez des Grob G115 (attaché) et G 120 (avec espace), un Airbus A 400 M (A400M) et un Boeing RC135 W (RC-135W).
Enfin, de manière bien plus gênante, si l’auteur maîtrise raisonnablement les parties historiques et opérationnelles, son incompétence technique est manifeste. Il nous dessine trois moteurs en étoile : deux ont six cylindres et le troisième, flanqué d’une légende « moteur en étoile Bristol Pégasus« *, compte… dix cylindres ! Les textes techniques ne valent pas mieux : ils confondent systématiquement « turbine » et « réaction », affirmant sans détour que Coandă a fait voler un avion à turbine en 1910 et classant les statoréacteurs parmi les moteurs à turbine. Dans le même ordre d’idée, l’auteur confond régulièrement les turbines avec les compresseurs ou les soufflantes, ce qui n’aide certainement pas à comprendre le fonctionnement d’un turboréacteur double flux. Il mélange aussi les turbopropulseurs et les turbomoteurs…
Les historiens tiqueront enfin devant le tableau synthétique des constructeurs, page 71, d’où Avro est totalement absent — c’est pourtant littéralement le premier constructeur d’avions britanniques, il a produit certains des appareils les plus remarquables de l’ouvrage, et c’est le seul nom historique que BAe a réutilisé après la vague de fusions (avec les Avro RJ).
Bref, cet ouvrage bien intentionné repose sur une recette réussie, un équilibre agréable et un ton parfaitement trouvé. La liste des appareils britanniques et leurs présentations succinctes sont une excellente introduction aux productions d’une des grandes nations de l’Histoire de l’aéronautique. Fort sympathique, il pourrait faire un cadeau opportun pour un adolescent ou un jeune adulte. Il est d’autant plus dommage qu’une relecture sérieuse ne soit pas venue éliminer les fautes d’orthographe et de typographie, ainsi que des erreurs techniques que l’on n’accepterait pas d’un candidat au BIA.
Franck Mée
* Orthographié tour à tour « Pionner » et « Pionneer »
* Sic. De nombreux noms britanniques se voient flanqués d’accents aléatoires, de Pegasus à British Aerospace.
98 pages, 17 x 24 cm, broché
0,268 kg