Coup de cœur 2016 |
De nombreux livres publiés ces derniers temps parlent du métier de pilote d’hélicoptères militaires ; mais cet ouvrage s’en distingue nettement par un point de vue différent, plus large. C’est le livre d’un chef, qui relate sa vision des opérations de guerre de son unité. C’est la vision de celui qui organise l’action, mais qui la conduit dans la mêlée, avec ses « jeunes loups », à bord d’un hélicoptère.
Pourtant l’auteur tient à l’indiquer : l’idée n’est pas de lui. Il a été invité à témoigner de cette expérience… Un témoignage difficile, voire douloureux, à faire émerger ; l’écriture n’est pas le jardin du colonel Verborg, qui se revendique avant tout comme un guerrier : « Mes hommes disent que j’ai le sang kaki, c’est tout dire ! »
Et puis cet ouvrage, au moins pour les deux tiers de ses pages, est un témoignage conséquent sur la contribution de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre à une action internationale majeure. L’opération Harmattan, menée sous l’égide de l’OTAN de mars à octobre 2011 en Libye. Le colonel Pierre Verborg a été le chef du premier Groupement AéroMobile (GAM), activé alors par le 5e Régiment d’Hélicoptères de Combat. Pendant huit semaines, de fin mai à fin juillet, son unité a conduit en autonomie des combats qui ont pesé un poids tactique plutôt significatif. Cette expérience est particulière par l’engagement uniquement nocturne des appareils depuis un BPC* au large des côtes, et par leur action en « meute ». Dix à quinze hélicoptères, sous le commandement d’un chef en vol avec ses équipages. Les origines de ce nouvel aspect du combat terrestre en hélicoptères, né de la conception française de l’aéromobilité, sont déjà lointaines. Mais avec l’opération Harmattan, l’ALAT a fait une démonstration éclatante de ses capacités en la matière. Il y a fort à parier qu’il y aura un avant et un après Harmattan dans les travaux des états-majors…
Le colonel Verborg considère l’ALAT comme un « attribut décisionnel » de l’armée de Terre. C’est dire la passion qu’il l’anime quand il est question de son Arme. Son livre est d’ailleurs soutenu par une élogieuse préface du général d’Armée (2S) Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de Terre à l’époque considérée. La postface est due à Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du MEDEF. À noter, en plus, la beauté des photos du cahier central, qui ne dépareraient pas un album.
Pour un livre accouché dans la douleur, l’écriture n’en est pas moins naturelle. Simple mais fluide. On ne s’ennuie pas une seconde. Pierre Verborg se raconte, aussi, en racontant ses guerres du Kosovo au Mali ; mais juste assez pour introduire ou compléter son propos central. Et avec la même simplicité qu’il met à nous entraîner de page en page dans ses combats. Il nous les explique sans nous imposer leur complexité tactique, au risque de nous laisser, parfois, presque un peu frustrés. Car on se laisse emporter… L’on croirait presque percevoir les silhouettes qui s’activent dans le soir sur le pont encore « rouge », puis le feulement des turbines quand la meute va partir en chasse …
En refermant cet ouvrage, on a le sentiment d’avoir pris plaisir à apprendre quelque chose d’important. Ce n’est certes pas le moindre des compliments que l’on puisse adresser à son auteur. Mais plus avant, ces pages sont à lire pour appréhender un des aspects les plus marquants de la dernière-née des Armes de l’Armée de Terre. L’ALAT a décidément bien mis à profit les six décennies de son existence…
Philippe Boulay
* Le « Tonnerre », Bâtiment de Projection et de Commandement de la classe Mistral
226 pages, 14,5 x 22 cm, couverture souple
0,360 kg