Les rapports publiés mettent souvent l’accent sur le facteur humain comme cause courante d’accidents aériens. Ce terme recouvre bien des nuances, de l’erreur causée par la fatigue ou la distraction à la véritable incompétence. Et comment croire qu’il puisse exister encore des pilotes de ligne incapables d’assurer ce métier convenablement, tant cette fonction est surveillée, les navigants faisant l’objet d’une attention de tous les instants au cours de leur carrière. Cette image que nous avons est valable dans la majorité des compagnies européennes ou nord-américaines. Il n’en est pas de même partout, et Jean-Pierre Otelli, revenu aux types de livres qui ont fait son succès d’auteur, nous livre un lot d’anecdotes tout à fait à même de nous interroger encore une fois sur la diversité de l’appréciation sur le mot “compétence” en divers points de la planète.
Tout pilote qui se respecte avouera qu’il commet souvent des petites erreurs ou des approximations au cours de ses vols. La conscience professionnelle, les formations reçues et les procédures sont heureusement là pour en limiter l’impact, si bien que la plupart d’entre elles n’ont aucune conséquence sur la sécurité des vols. Certaines ont malheureusement des résultats des plus tragiques.
Un pilote de Boeing 727 tente de décoller avec un centrage catastrophique de son avion au décollage de Cotonou, avec une surcharge de plusieurs centaines de kilos. Il finira dans l’océan à la sortie de la piste, et le bilan sera lourd. Lourd également celui de l’accident de la West Carribean, qui a endeuillé la Martinique en 2005, et où la responsabilité de l’équipage semble très engagée. Inconscience en ce qui concerne cet équipage de l’USAF qui décolle de nuit d’un aéroport de montagne et qui n’a pas pris la précaution de s’inquiéter des procédures de départ en raison du relief de la région ; là non plus, il n’y aura pas de survivants. Gestion catastrophique d’un décrochage, mésentente entre les membres de l’équipage, tension et stress lors d’un examen en ligne, les causes d’erreurs sont nombreuses et des plus inattendues, comme cette « drague » menée dans le cockpit qui a entraîné l’accident d’un Embraer 120…
Mais dans cet ouvrage, toutes ces erreurs causées par de nombreux facteurs n’ont pas un résultat systématiquement tragique ; c’est ainsi qu’il est possible de sourire de la mésaventure d’un pilote en Irlande qui se trompe d’aérodrome, ou bien à cet équipage qui oublie de sortir le train de son Navajo et se pose parfaitement… sur le ventre. Mais l’explication de ces erreurs vaut bien qu’on s’y attarde, tant les plus petites causes peuvent provoquer de graves incidents.
Entre tragi-comédie et tragédie lugubre, ce livre est encore une fois une lecture divertissante qui se double d’un document particulièrement édifiant.
Frédéric Marsaly
304 pages, format 15,5 x 24 cm, broché