On ne peut pas dire que la parution de cet ouvrage soit passée inaperçue. À peine était-il dans les rayons des librairies que le BEA diffusait un communiqué pour se désolidariser des éléments publiés alors, tandis que le SNPL portait plainte contre X pour faire la lumière sur les fuites qui ont permis à l’auteur, Jean-Pierre Otelli, de prendre connaissance d’une retranscription des conversations dans le cockpit du vol AF447 du 1er juin 2009 plus complète que celle publiée dans les rapports officiels du BEA. Et c’est cette transcription, reconnue correcte à mots couverts par le BEA, qui sert de structure au chapitre du livre consacré à l’accident du vol Rio-Paris.
Avec ses 228 victimes, l’accident de l’Airbus A330 d’Air France dans l’Atlantique Sud est un sujet particulièrement brûlant et polémique. Aujourd’hui, les causes directes de l’accident semblent connues grâce à la récupération, presque miraculeuse, des deux boîtes noires de l’appareil retrouvées au printemps par plusieurs milliers de mètres de fond au beau milieu de l’océan. Elles ont permit de déterminer que c’est une action à cabrer du pilote remplaçant en place droite qui a entraîné l’avion à percuter l’océan.
En partant de cette nouvelle version du CVR, Otelli décrypte les actions de l’équipage pendant les courtes minutes où le drame se déroule, en pleine nuit, après un givrage inattendu des sondes Pitot qui a fait basculer le mode de pilotage de normal à manuel. Le moindre qu’on puisse dire, à la lecture de ce document étonnant et des commentaires qui l’accompagnent, c’est que l’équipage semble s’être trouvé totalement dépassé par les évènements. Mais si l’auteur pointe leurs égarements, il reste difficile de comprendre pourquoi on en est arrivé là. L’inexpérience du co-pilote suppléant est mise en avant mais n’explique pas tout.
Ce livre évoque également plusieurs autres drames où l’inexpérience, la fatigue ou le stress des navigants ont joué un rôle lors de vols qui ne se sont pas déroulés tout à fait comme prévu, dont deux impliquent des Boeing de la compagnie Air India Express à quelques jours d’écart. Le premier où un commandant de bord, épuisé, pose trop long son appareil sur un aéroport qui ne pardonne pas en raison de sa configuration, sort de la piste et bascule dans un ravin, bilan 158 morts, et l’autre où un copilote maladroit s’accroche à son manche à balai lorsque son siège se déverrouille et entraîne ainsi son avion dans quelques positions scabreuses en plein ciel mais sans autre conséquence cette fois-ci. Catastrophique également l’attitude d’un équipage de Tupolev 154, un avion qui s’est particulièrement distingué ces dernières années, qui finit par déclencher une vrille à plat en approche finale. L’auteur évoque également l’accident du MD-82 qui s’est écrasé au décollage à Madrid en aout 2008 parce que son équipage avait un peu précipité les procédures de décollage et le sort du 747 de la Korean qui a percuté le relief en finale à Guam en 1997 et où la fatigue du commandant de bord, décédé dans l’accident, a été mise en cause.
Conforme à l’esprit des quatre premiers volumes de la collection, et sous les phares de l’actualité en raison de son chapitre sur le vol Rio-Paris, ce livre est à considérer, par ses atouts et ses faiblesses, comme une pièce de plus pour tenter de comprendre l’importance du drame de l’AF447 pour Air France, Airbus et plus généralement l’aviation commerciale dans son ensemble.
Frédéric Marsaly
319 pages, 15,5 x 24 cm, broché