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Félix Amiot

Parcours d’un industriel normand du XXe siècle
Justin Lecarpentier

Le seul livre consacré jusqu’ici à ce constructeur français atypique était L’aventure Amiot-CMNde Frédéric Patard, publié il y a plus de vingt ans et devenu quasiment introuvable.
Ce livre de Justin Lecarpentier est tiré d’une thèse d’histoire, remaniée pour être plus lisible par le grand public. Typiquement, les références en bas de page au lieu des renvois en fin de chapitre ou de livre, sont appréciables pour la lisibilité. Il couvre tout aussi bien la carrière de constructeur aéronautique que la période qui lui succède dans le domaine de la construction navale. Nous ne nous attarderons que sur la première partie, qui constitue à peu près la moitié du livre.
La richesse de cet ouvrage ne réside certes pas dans ses illustrations, peu nombreuses, et souffrant de la qualité du papier qui oblige à exagérer les contrastes et rend le résultat granuleux. D’autre part, le sujet est centré sur Félix Amiot et son entreprise. L’histoire de ses avions ne figure dans ce livre que pour illustrer les propos et ne constitue pas le fond de l’ouvrage. Une petite exception avec les intéressants détails présentés par l’auteur concernant le tout dernier projet d’avion, le superbe Amiot 530 de transport civil.

Le texte présente non seulement l’histoire de Félix Amiot ; il met également en avant le travail d’enquêteur réalisé par l’auteur. Le fil rouge s’appuie sur des archives de l’entreprise, compulsées dans les centres d’archives régionaux de la région de Cherbourg, complétés par des documents administratifs et divers témoignages fournis par les descendants de la famille Amiot et de son entourage.
L’étude est construite de manière systématique, en commençant par l’arbre généalogique familial, puis suit le récit du parcours éducatif du jeune Félix Amiot, en mettant en soulignant ses rencontres et ses amitiés qui soutiendront par la suite sa carrière. On passe ensuite au démarrage de son activité industrielle, avec la création de la SECM pendant le Première Guerre mondiale, grâce à ses brevets sur l’emboutissage et malgré son absence de diplômes adaptés. Après la sous-traitance, Amiot démarre enfin dans l’aviation, dans un contexte peu favorable, avant de devenir un grand constructeur d’avions. L’auteur détaille les opportunités, les montages industriels, les acquisitions, les soutiens, les changements, les aspects sociaux. Et surtout, il met en évidence les tensions avec le Ministère de l’Air, l’impact catastrophique des nationalisations sur l’entreprise et les conséquences sur la production. L’auteur cite les extraits de documents pertinents, en les plaçant précisément dans leur contexte qu’il éclaire habilement par son étude éclairée du contexte. Il détaille notamment le bras de fer qui oppose Félix Amiot à Pierre Cot, au sujet des nationalisations, puis celui de la production des Amiot de la famille 350.

Au milieu de ce travail rigoureux, nous avons eu la surprise de trouver un contresens dans l’interprétation de l’argumentaire du procès de Riom (p.123), dans lequel Guy la Chambre a plaidé en dédouanant en grande partie les constructeurs face aux errements de l’État-Major, au contraire de ce qu’indique l’auteur dans sa note.
La suite montre comment Félix Amiot s’est partagé entre actions de résistance et obligation de production d’avions Junkers au profit de l’Occupant. Puis dans l’après-guerre vient le temps de la reconversion vers le domaine naval, avec l’incontournable affaire dite des « Vedettes de Cherbourg ». Il aborde aussi ses amitiés avec les Wertheimer, qui l’ont temporairement propulsé à la tête des maisons Bourgeois et Chanel pour protéger leurs intérêts durant la guerre. Une affaire qui s’est plutôt mal terminée.

Cet ouvrage est bien écrit, clair et agréable à lire. On comprend le parcours de recherche, avec ses lacunes que l’auteur ne cherche ni à minimiser ni à cacher. On ressent bien le travail de chercheur, sa rigueur d’interprétation et le recul nécessaire à l’analyse. On ne peut que regretter que le point de vue présenté provienne presque exclusivement de l’aspect industriel, vécu de l’intérieur, soutenu par les témoignages familiaux et quelques journaux d’époque. Il serait intéressant de le confronter à d’autres visions, comme celle du ministère de l’Air, celle des experts de techniques, celles des pilotes et des utilisateurs, etc. Un bon livre sur Félix Amiot, l’industriel de Cherbourg.

Philippe Ricco


480 pages, 15,5 x 23 cm, couverture souple
59 illustrations ; 0,660 kg


24,50 €


Ouvrages édités par
En bref

OREP Éditions

ISBN : 9-782815-105019

24,50 €