Barbara Brunet est entrée dans l’armée de l’air en 1991, une époque où les femmes pilotes n’étaient pas nombreuses et où certains cockpits militaires ne leur étaient pas autorisés. Ainsi, en dépit de ses bons résultats dans les écoles de pilotage, elle ne pouvait pas postuler au cockpit d’un Transall ou d’un Hercules, les appareils tactiques surnommés « avions verts » ou à ceux des C-135. Elle fut donc affectée au « Médoc », où elle vola sur Nord N262 et sur TBM-700, un avion qu’elle détesta piloter. Elle fut ensuite instructeur sur Xingu à Avord avant d’être affectée à l’ETEC sur Mystère 20, et elle passa les huit dernières années de sa carrière sur Airbus A310 à « l’Estérel ». En août 2012, elle quitta l’armée de l’air avec 6500 heures de vol.
Pour expliquer son histoire à ses deux enfants nés au cours de cette carrière, elle a repris ses carnets de vol et retracé les missions les plus notables. Détachements en zone de guerre, vols d’instructions trépidants, voyages officiels, on ne peut pas dire que pilote dans le transport militaire relève de la routine, mais en cela, ça ne diffère pas beaucoup de ce qu’un pilote mâle peut vivre à bord des avions « à moquette ». Son ouvrage déroule ainsi ses affectations et ses vols avec leur lot de surprises, d’imprévus, de pannes, de frayeurs, de situations tragicomiques. Elle a été particulièrement marquée par sa participation aux opérations aériennes après le séisme d’Haïti en 2010, et ce chapitre, par son intensité et les enjeux de ces missions d’évacuation sanitaire, vaut qu’on le lise absolument.
En dépit d’un titre explicite, ce livre n’est absolument pas un réquisitoire féministe, mais l’auteur ne se gêne pas pour pointer les quelques cas, assez peu délicats en effet, de remarques sexistes absolument déplacées dont elle fut parfois la cible.
Cet ouvrage plutôt long — près de 400 pages — reste très plaisant à lire. Ici et là on aurait aimé quelques détails plus techniques sur les vols, leur déroulement ou leur préparation, mais n’oublions pas que ce récit est destiné à ses deux enfants. Ceci n’empêche pas que certains termes ou détails aéronautiques auraient mérité d’être un peu plus expliqués.
Les missions s’enchaînent et ni la pilote, ni le lecteur n’ont vraiment le temps de s’ennuyer tant les situations sont variées. Il y a donc un vrai double intérêt à ce récit : celui, d’une part, de découvrir la vie d’une femme pilote militaire, mais aussi, d’autre part, d’entrevoir le métier de pilote de transport « non tactique » de l’armée de l’air, un pan qui reste méconnu des nombreuses carrières aéronautiques possibles sous l’uniforme. Pour toutes ces raisons, ce livre est parfaitement recommandable et vous assure quelques intéressantes heures de lecture.
Frédéric Marsaly
408 pages, 15,3 x 24 cm, couverture souple