Il faut reconnaître à Matthieu Comas une constance certaine dans le traitement des sujets qu’il affectionne. Vingt ans après avoir traité de « la chasse française inconnue mai-juin 1940 » chez Lela Presse, il récidive avec quasiment le même sujet. Mais ne nous y trompons pas : l’ouvrage de 2018 n’est pas une simple réédition motivée par des raisons mercantiles. L’auteur reprend en fait ce qu’il n’avait traité qu’en huit pages, en 1998 : le seul groupe de chasse à part entière, constitué au sein de la Défense aérienne du territoire, le GC 1/55.
Ne serait-ce qu’à l’énoncé du sujet, force est de constater le courage et la curiosité bien placée de Matthieu Comas. Soyons honnête : qui connaissait le GC 1/55 avant qu’il en parle ? Et c’est bien là le grand intérêt de ce livre : explorer une armée de l’Air totalement méconnue. Ce voile de mystère est d’autant plus étonnant que la chasse en 39-40, d’une manière générale, est l’ un des domaines les mieux couverts par les auteurs aéronautiques. Dans ce livre, que de l’inédit ou presque : les pilotes, les appareils, les opérations, tout sort de la documentation originale rassemblée par l’auteur, lequel a compulsé les archives militaires et a pris contact avec les familles des acteurs de l’époque afin de consulter les documents individuels qui ont miraculeusement survécu, dont trois carnets de vol.
« Miraculeusement », c’est bien le mot, car le GC 1/55 (et les patrouilles de DAT qui occuperont un autre ouvrage à venir) est véritablement une unité « crépusculaire », formée le 1er juin 1940, alors que la situation militaire est déjà quasi désespérée. D’ailleurs, le sous-titre « La dernière garde gouvernementale », repris de la bouche même du colonel Franc, adjoint du général Brocard, traduit bien ce que fut le destin de ce groupe hors normes. Se repliant successivement d’Étampes à Villacoublay, puis à Tours, Avord et Bordeaux, le 1/55 combat malgré tout et remporte certains succès, y compris dans le ciel bordelais, au-dessus du gouvernement qui s’est replié dans la capitale d’Aquitaine. Désirant épuiser autant que faire se peut le sujet, l’auteur n’a pas négligé les aspects techniques, car le 1/55 présente aussi la particularité d’avoir employé des appareils rares tels l’Arsenal VG.33, le MS.410 ou encore le Bloch 155. Les maquettistes ou, plus simplement, les amateurs de technique aéronautique, seront comblés par les clichés et plans d’époque, sans parler des magnifiques profils couleur de Yann le Gal, tous inédits, ou encore de la page consacrée aux véhicules de l’unité.
Cet ouvrage est enfin un témoignage très humain sur ce que fut le quotidien de pilotes de chasse de 1940, certes méconnus, mais aussi de mécaniciens et autres militaires qui ont fidèlement rempli leur mission : les annexes 1 (liste du personnel) et 2 (texte des citations attribuées) leur redonnent, si ce n’est un visage, tout au moins un nom, 78 ans après. Et ce n’est que justice. Au final, 196 pages denses, très illustrées, rédigées dans un style direct et sans fioritures, sur un sujet méconnu : à posséder absolument pour qui prétendrait connaître l’armée de l’Air de 1940.
Bernard Palmieri
196 pages A4 (21 x 29,7 cm), couverture souple
environ 200 photos et 47 profils couleur (Yann Le Gal)
– Collection Histoire des Unités n°03
– Les autres ouvrages de la collection Histoire des Unités
NDLR : L’auteur, Matthieu Comas, a relevé quelques erreurs dont voici les correctifs.
– Page 2 : lire Berzé-la-Ville
– Photo page 46 en haut : il s’agit d’Orléans
– Photo page 82 : le Bloch 151 « 3 » blanc est le numéro 420
– Photo page 86 en bas : crédit photo Michel Debever
– Profil Potez 63.11 n°247 page 89 : le ‘4’ de fuselage devrait être ouvert
– Page 102 : les cercles sont décalés
– Photo H-75 page 136 : la photo est prise au Bourget
– Page 138 : Télécharger la page corrigée (pdf 1 page, 304 ko).