Écrire une « Histoire mondiale de l’acrobatie aérienne » dans un livre accessible au grand public, tout en étant susceptible de séduire des amateurs chevronnés ? Pas simple. Divers angles d’approche sont envisageables, comme nous le verrons. Avec ce beau livre de chez ETAI, Alain Pelletier, auteur de plusieurs ouvrages d’aviation de qualité, défriche un terrain jusqu’ici peu exploré. Hormis quelques volumes didactiques, biographiques ou de mémoires, rien à ce jour pour traiter de façon globale le sujet de l’acrobatie et de la voltige.
Notons que la période est clairement délimitée : des origines de l’aviation au début de la Seconde Guerre mondiale, ce qui représente sans doute la période la plus intéressante , car la plus riche en découvertes et en évolutions.
Bien évidemment, le livre s’ouvre sous l’image tutélaire d’Adolphe Pégoud, dont Alain Pelletier brosse la carrière à grands traits, resituant avec justesse le rôle qui fut celui de ce pilote dans l’histoire de l’aviation. Ce premier chapitre est sans conteste rédigé de façon passionnante, car au-delà de la narration des faits, l’auteur les situe dans l’ambiance du moment, les assortissant de détails historiques et techniques (aisément compréhensibles). La naissance et la petite enfance de l’acrobatie aérienne sont ainsi décodées, non seulement dans le « qui et quand », mais aussi avec le « comment et pourquoi ».
L’aviation en était encore à ses balbutiements qu’elle devint, avec ses pilotes, l’une des actrices majeures de la Grande Guerre. Bien évidemment, de nouvelles figures firent leur apparition, cette fois à des fins plus sanguinaires que spectaculaires.
Le troisième chapitre « 1919-1927 », avec ses « cascadeurs et barnstormers », illustre comment à la fin de la Grande Guerre une foultitude de jeunes pilotes démobilisés se retrouvèrent sans emploi, sans autre maîtrise que celle du manche à balai : saisissante évocation des « trompe-la-mort » américains et et de l’évolutions des petites acrobaties individuelles de plus en plus spectaculaires (et dangereuses) vers la création de « cirques volants » professionnalisés. L’Europe n’est pas à l’écart du phénomène, mais sans le côté outrancier cher à l’Oncle Sam. C’est l’époque des Udet, Fronval, Haegelen, Bolland, Doret, Fieseler… L’Allemagne ne pouvait rester étrangère à cette flambée et ses pilotes rejoignirent bien vite le peloton de tête des virtuoses des airs, pour des duels bien amicaux, dans un climat qui ne tarderait pas à s’assombrir.
C’est bien connu, en matière d’organisation de spectacles grandioses et ébouriffants, les Américains ont toujours été les maîtres ; il est donc logique qu’ils constituent le bouquet final de l’ouvrage. Alain Pelletier n’a toutefois pas négligé de faire précéder cette ultime section d’une évocation bienvenue d’une aviation acrobatique russe.
Chaque chapitre est enrichi de quelques hors-texte donnant de nombreuses précisions bienvenues, mais également de « portraits » de pilotes, ainsi que de fiches historico-techniques nous renseignant sur différents appareils.
Si quelques chapitres médians relèvent plutôt de l’énumération de compétitions et de meetings, la grande majorité de l’ouvrage s’ouvre sur bien davantage, évoquant cette histoire de l’acrobatie aérienne sous ses différents angles. Dans ce registre, l’auteur évoque volontiers la perception qu’avaient les journaux et les hommes politiques du bien-fondé de la pratique de la voltige aérienne.
L’idée était originale mais ardue. Encore une fois, Alain Pelletier s’en sort avec brio. En bon professionnel, il n’a pas négligé les annexes chères aux « moustachus » (calendrier des compétitions et exhibitions, caractéristiques des principaux moteurs et des principaux avions, liste des appareils préservés…) et enfin (surtout ?) la bibliographie, les sources et l’index des noms cités, signatures d’un professionnel sérieux.
Sobre et élégante : c’est la seule formule qui convienne à la mise en page de ce livre. Photos nombreuses (environ 350) mais sans excès, taille raisonnable, impression de qualité sur du beau papier pour cet ouvrage relié qui manquait dans nos bibliothèques.
Philippe Ballarini
192 pages, 24,7 x 29,6 cm, relié
1,245 kg
Avec l’aimable autorisation de
© ETAI
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