L’Allemagne nazie est entrée en guerre dans la perspective d’un conflit de courte durée. Dans ces circonstances, la nécessité de bombardiers stratégiques n’était pas apparente. Elle ne commença à se faire jour plus sérieusement que dans le courant même de la Seconde Guerre mondiale, quand il apparut que les choses ne se passeraient pas comme Hitler les avait imaginées. Cela explique pourquoi les tentatives de mise au point de bombardiers stratégiques furent si tardives. Ces appareils devaient se caractériser bien entendu par un très long rayon d’action, mais surtout par une capacité au vol stratosphérique pour échapper aux chasseurs, et donc par une cabine pressurisée et des moteurs compressés.
Cet ouvrage traite de deux bombardiers stratégiques allemands : le Heinkel He 274 et le Junkers Ju 488, deux appareils qui ont la particularité d’avoir été développés en France sous l’Occupation.
L’étude du He 274 serait somme toute classique si elle n’était, et ce pour de bonnes raisons, séparée en deux parties distinctes. On commence avec Héritier du He 177, chapitre où sont développés la genèse et le développement de ce qui fut présenté aux ouvriers français, travaillant de façon cloisonnée sur des sous-ensembles, comme un « avion postal » destiné à établir une ligne Berlin-Tokyo. La seconde partie, qui occupe à elle seule la moitié de l’ouvrage, intitulée La période française, relate l’usage qui fut fait de l’appareil par les Français après la Libération. La guerre était finie, il n’était plus question d’utiliser cet appareil comme bombardier, mais une industrie aéronautique française qui était restée en dehors de l’évolution technologique se devait de faire usage de tout ce qui était récupérable. On retiendra surtout de cette période les vols en composite où les deux He 274 servirent d’avions porteurs aux maquettes volantes de la SNCASO, SO M1 et SO M2, et aussi au Leduc 010-02. L’histoire de cet appareil n’est donc pas anodine, et elle est enrichie en annexe du témoignage de l’un de ses pilotes, Roger Receveau.
Le Ju 488 est quant à lui traité beaucoup plus brièvement en quelques pages, et pour cause ! Saboté par la Résistance, il ne sortit jamais des ateliers Latécoère. Qualifié par les auteurs « d’avion à la Frankenstein », le Ju 488 qui aurait dû être un Ju 188 modifié et transformé en quadrimoteur, était une sorte d’assemblage d’éléments provenant d’autres appareils de Junkers. Cet appareil ne vola pas, mais son histoire ne manque pas d’intérêt, car il illustre tout à fait certaines vicissitudes auxquelles se heurta la production aéronautique allemande au fur et à mesure du déroulement du conflit.
Il fut un temps où les monographies s’en tenaient assez strictement aux aspects techniques et où les ouvrages pour maquettistes relevaient du « guide illustré ». Ce volume est représentatif de cette nouvelle vague d’ouvrage où l’approche d’un appareil se veut de plus en plus globale. L’amateur de monographies a de quoi être satisfait : l’étude est complète, avec son lot de tableaux et de sources. Le fana d’Histoire en a pour son compte, avec par exemple des explications sur le rôle de la Résistance. Quant au maquettiste, il est gâté : plans au 1/200 de différentes versions, 6 pages de profils couleur, et surtout… des plans au 1/72 des He 274-01, He 274-02, Ju 488V401 et Ju 488V403. Vous avez bien lu : au 1/72. N’envisagez pas le coin de votre bureau pour les déplier : un demi m² pour les plans du He 274. En ce qui concerne la facture de l’ouvrage, c’est au standard d’Artipresse : mise en page sobre, photos bien reproduites, plans précis, belle impression sur papier de qualité, dos carré.
Philippe Ballarini
72 pages, A4 (210 x 297 mm), couverture souple dos carré
plans au 1/72 aux formats A1 (594 × 841 mm) et D1 (779 × 545 mm)