Dans son introduction, Henri Soula rappelle à juste titre combien il est aujourd’hui difficile de retracer la carrière d’un pilote militaire ayant rejoint les lignes Latécoère – ou tout autre compagnie d’ailleurs ; on sait qu’un grande partie des archives de l’Aéronautique ont disparu dans la débâcle de 1940, et l’état de celles des premiers transporteurs n’est guère plus brillant, soit qu’elles ont aussi disparu, soit qu’elles sont dispersées dans des collections privées difficiles d’accès.
Les quelques carnets de vol et autres documents auxquels l’auteur a pu se référer n’apportant que peu d’informations, il n’est pas surprenant qu’il ait pris le parti de recourir à la bibliographie traditionnelle de l’aventure de la ligne vers l’Amérique du Sud, comme il l’avait déjà fait en 2004 dans un petit ouvrage consacré à Edmond Lassalle. Si ce dernier, à cause d’une carrière malheureusement stoppée brutalement en 1927, reste relativement anonyme, les allusions à Henri Rozès sont beaucoup plus fréquentes, une figure haute en couleurs que n’ont pas manqué de signaler les chroniqueurs de la Ligne, et qui va se révéler au fil des années une sorte d’intermédiaire entre l’intransigeant Didier Daurat et ses pilotes.
Henri Soula a incontestablement parcouru un grand nombre d’ouvrages, et il parvient à retenir notre attention lorsque par exemple il se penche sur ce phénomène de mystique de la Ligne, mais on peut malheureusement craindre que son projet ait été par trop ambitieux au regard des la faible quantité de réelles informations concernant le pilote occitan. Ou alors, si le but de l’ouvrage était de brosser une vaste fresque de cette épopée, il eût été nécessaire de revenir bien davantage aux sources primaires au lieu de se contenter d’un patchwork de (très) larges passages puisés dans la bibliographie, où l’on peine parfois à retrouver Henri Rozès.
La suite de la riche carrière de ce pilote est difficile à faire resurgir, quand il quitte ce qui est devenu l’Aéropostale en 1929, pour rejoindre les « Lignes Farman ». Le chapitre consacré à ce passage étant largement recopié du formidable numéro d’Icare consacré au même sujet, autant s’y référer directement.
À propos de sa carrière toulousaine sur l’aérodrome de Francazal, les éléments sont encore plus rares, au-delà de quelques « légendes familiales », concernant une école de pilotage et une station service Caudron. Il se trouve à cette époque impliqué dans les débuts de la guerre d’Espagne en acheminant clandestinement l’un des généraux conjurés de France en Espagne, mais son rôle est des plus limités, sans rapport avec le long chapitre consacré au sujet, lui aussi très largement recopié de l’ouvrage de Jean Massé Des avions pour l’Espagne.
Au final, notre impression est très proche de celle que nous avions eue devant le premier ouvrage de l’auteur : les spécialistes de la Ligne pourront trouver quelques informations inédites extraites des rares sources inédites, qui – pour ne rien arranger, comme la première fois – auraient mieux trouvé leur place en annexe et dans une mise en page moins rudimentaire. Le tout est complété par un certain nombre de photos pour certaines inédites, lesquelles auraient mérité une bien meilleure qualité de reproduction.
Pierre-François Mary
220 pages, 21 x 29,7 cm, couverture souple