Les lecteurs de l’Aérobibliothèque ont pu apprécier une précédente recension d’un ouvrage des éditions Jourdan, écrit par Stefan Brauburger et intitulé Von Braun, entre nazisme et rêves de fusées, travail historique sérieux mené par un journaliste critique et ne se laissant pas bercer par ce que nous appelons la « techno-bellico-béatitude ». Aussi avons-nous été immédiatement décontenancé dès l’ouverture de l’opus du même éditeur titré Héros de l’Air dans la Luftwaffe – Général Galland – Hans U. Rudel. En effet, derrière la couverture « accrocheuse », nous avons simplement retrouvé… la réédition des récits de ces aviateurs tels qu’ils avaient été publiés le siècle dernier : « Jusqu’au bout sur nos Messerschmitt » pour Adolf Galland (Robert Laffont 1954 puis repris par les éditions « J’ai Lu Leur Aventure » en 1962 – les volumineux livres de poche à la couleur bleue, vous vous souvenez ?) et « Pilote de Stukas » pour Hans Ulrich Rudel (Corrêa, 1951, J’ai Lu Leur Aventure » 1968). Aucune préface, explication ou notice biographique excepté la quatrième de couverture ! On pourrait à la rigueur considérer ces rééditions comme des témoignages bruts, n’était… la qualité approximative des traductions de l’époque, reprises aujourd’hui sans sourciller. Il ne s’agit donc pas de nouvelles évaluations des ouvrages originaux publiés dans la langue de Goethe après la Seconde Guerre mondiale, et une petite étude sur le web permettra à chacun de se faire une petite idée sur l’intérêt qu’il y a malgré tout à acquérir cet ouvrage, Galland* et Rudel étant des figures médiatisées et emblématiques de la Luftwaffe pendant et après le conflit, des guerriers hauts en couleurs et en médailles pour lesquels existent depuis longtemps de nombreuses publications papier et virtuelles. Pour qu’un témoignage quel qu’il soit puisse réellement présenter un intérêt historique, il semble nécessaire d’y adjoindre au moins ce que l’on appelle un « appareil critique », des corrections factuelles ou des précisions susceptibles d’éclairer le lecteur, sous forme d’abondantes notes de bas de pages et d’annexes par exemple (pour mémoire, les carnets du pilote FAFL Marc Hauchemaille, magistralement présentés et commentés par Philippe Chéron dans Bonsoir Nadette). Cela semble encore plus pertinent si l’on considère que Rudel, au-delà de ses exploits valeureux de pilote de guerre, était tout de même membre du parti nazi, le NSDAP ! Il faudrait tout de même ne pas oublier l’idéologie meurtrière derrière la geste héroïque de ces chevaliers du ciel ! Naturellement, tout ceci nécessite un véritable travail d’auteur, de passionné, de « spécialiste ». L’enjeu éditorial et économique n’est évidemment plus le même… De fait, l’éditeur belge Jourdan invoque sa « passion du témoignage dans des ouvrages forts, qui bien souvent apportent un éclairage différent ». Cependant, la limite de cette formule du témoignage brut est rapidement atteinte lorsque celui-ci commence sérieusement à dater, qu’il a fait par ailleurs l’objet dans l’intervalle de critiques et exégèses en tous genres, que ce soit d’historiens ou même de passionnés particulièrement avertis. L’éclairage n’a alors plus rien de « différent », il est même singulièrement éteint. Mais comme « il en faut pour tout le monde », admettons cette fois encore que des lecteurs peu familiarisés avec le sujet voudront en savoir plus après cette lecture malgré tout passionnante, quitte à devenir à leur tour un jour des « spécialistes » !
Georges-Didier Rohrbacher
314 pages, 14 x 21,5 cm, broché
* Le récit original de Adolf Galland a fait l’objet en France d’une traduction intégrale et augmentée, en 1985 (Les premiers et les derniers, éditions Yves Michelet).