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Héros de l’air dans la RAF

Témoignages
J.E. Johnson et Cdt Guy Gibson

Comme un écho à l’ouvrage intitulé Héros de l’Air de la Luftwaffe, les éditions Jourdan nous proposent de découvrir les témoignages « brut de fonderie » de deux combattants célèbres de la Royal Air Force durant la Seconde Guerre mondiale, le photogénique et médiatisé Johnnie Jonhson (le premier as allié du secteur d’opérations ouest européen avec 34 victoires homologuées) et Guy Gibson (pilote de bombardier célèbre pour avoir dirigé le fameux raid des « briseurs de barrages », lorsque des Lancaster équipés de bombes spéciales ont attaqué des barrages hydro-électriques allemands). Comme pour « Héros de l’Air de la Luftwaffe », il s’agit manifestement d’une réédition des ouvrages parus après la Seconde Guerre mondiale car cette fois encore, aucune préface, aucune explication n’en donne l’origine. Faute de posséder les livres originaux, nous en concluons qu’il s’agit là aussi d’une réimpression en l’état des récits de Johnson (« Chasseurs dans le ciel », Éditions de la Pensée Moderne, 1957, 222 pages, qui n’a apparemment pas fait l’objet d’un tirage ultérieur au format poche, que ce soit dans la collection « J’ai Lu – Leur aventure » ou Marabout) et Gibson (« Cap sur l’ennemi », traduit de l’anglais par H. Daussy, Société Nouvelle des Éditions Self, 1952, 316 pages, également chez Marabout Junior n°152, 1959) Aussi, le plaisir de relire les témoignages de ces aviateurs est une fois encore fortement atténué par l’absence de la moindre notice biographique, par le manque total d’appareil critique, c’est-à-dire d’explications et notes de bas de pages susceptibles d’apporter aux moins érudits des précisions ou des corrections sur les faits évoqués, à la lumière des connaissances encyclopédiques désormais disponibles sur la guerre aérienne 1939-1945. L’histoire n’a pas retenu le nom du traducteur de Johnnie Johnson et c’est sans doute mieux ainsi tant son témoignage est parcouru d’invraisemblances qui pourraient faire l’objet d’une recension croustillante de la part d’un rédac’ chef aguerri de revue aéronautique : p.61 « L’odeur de la carlingue, cet étrange mélange de drogue [sic], d’huile minérale, de carburant, etc », p.64 « … le reflet brillant de leurs pare-brise et des couvre-carlingue », p.73 l’aérodrome de Kingscliffe se transforme en « Kurgscliffe », p.92 « Les épaulettes furent cousues et deux aimées [sic] devaient s’écouler avant que vienne le moment de les ôter », p.94 « … nous escortions souvent un grand nombre de forteresses et de Labrador [sic] quadrimoteurs… », p.147 « Juste après la guerre, un aviateur américain haut gradé dit à Goering que c’était la plus bene [sic] attaque aérienne… » Ajouté à cela des problèmes d’unité de temps, de sigles non explicités, etc. et l’on comprend que la lecture soit un tantinet laborieuse… Le traducteur de Guy Gibson semble avoir été beaucoup plus inspiré.

Ces témoignages peu ou pas relus auraient mérité un autre traitement, car on y découvre quelques réflexions intéressantes. Ainsi Johnnie Johnson : « Maintenant que tout était fini, les pilotes allemands refluaient de Norvège et du Danemark pour déposer les armes. Un jeune pilote plein d’arrogance posai [sic] son bombardier flambant neuf sur le terrain de Celle et me fit un salut impeccable en sautant de sa carlingue. Il était très heureux, nous dit-il, que la lutte entre la Luftwaffe et la RAF fût terminée. Mais il restait un ennemi commun, et si nous pouvions lui offrir quelques bombes et peut-être une escorte de Spitfire… » Où l’on voit l’effet de la propagande nazie, qui jusqu’à la dernière minute a fait croire aux combattants allemands que le véritable ennemi était le bolchevisme, l’URSS, et que les Anglo-américains réarmeraient aussitôt les Allemands pour attaquer promptement Staline ! De même Guy Gibson (disparu en mission en septembre 1943) écrit-il « En mars 1943, la stratégie alliée passa à l’offensive. Les Américains, grâce à leur énorme capacité de production, étaient en train d’édifier une aviation qui allait bientôt surclasser la Royal Air Force par le nombre. Eux se chargeaient des bombardements de jour, cependant que le Bomber Command limitait ses opérations aux activités de nuit, détruisant l’Allemagne, ville après ville, jusqu’au jour où la Luftwaffe cesserait d’exister ». Ville après ville, jusqu’au jour où la Luftwaffe cesserait d’exister… une phrase à replacer dans le contexte de l’époque bien sûr, mais très significative de la stratégie délibérée employée contre les civils, le « moral bombing » cher à « Bomber Harris* ». Peut-être les éditions Jourdan publieront-elles des récits d’aviateurs américains ou français pour compléter ce panorama de la guerre aérienne 39-45 mais si l’intention est louable, le résultat est pour le moins mitigé et incite plutôt, tant qu’à faire, à rechercher les livres originaux sur le marché de l’occasion…

Georges-Didier Rohrbacher


314 pages, 14 x 21,5 cm, broché

* Bomber Harris : « Harris le bombardier », Arthur Harris, également surnommé « Butcher Harris » (Harris le boucher).

Ouvrages édités par
En bref

Jourdan Éditions

ISBN 978-2-87466-162-4

Chronique : Georges-Didier Rohrbacher
21,90 €