La base aérienne de Caen-Carpiquet est emblématique des projets ambitieux de la jeune armée de l’Air à la fin des années trente, alors que la situation internationale devenait de plus en plus tendue, de ces aérodromes aménagés pour durer, mais à qui les destructions de la guerre vont porter, sinon un coup fatal — comme ce sera le cas pour celui de Fontenet près de Saint-Jean-d’Angely, au moins un sérieux coup d’arrêt, d’autant que les priorités opérationnelles conduiront à porter l’effort de reconstruction des infrastructures de l’armée de l’Air renaissante davantage à l’est du pays.
En 2006, un excellent ouvrage de Thibault Richard avait exploré la création de la base de Carpiquet à partir des sources retrouvées au SHD comme aux archives départementales du Calvados, en situant cette naissance dans le contexte de l’époque. François Robinard et Thierry Quittard ont élargi leur champ d’investigation jusqu’à notre époque, d’une manière peut-être moins académique, mais tout aussi passionnante et rigoureuse, en mêlant documents d’époque et retour sur le terrain à la recherche des nombreux vestiges des occupations successives du terrain, bâtiments et hangars de l’armée de l’Air, pistes et abris laissés par l’occupant entre 1940 et 1944, lorsque la Luftwaffe débarquait sur une plate-forme où presque tout était déjà prêt. Il ne restait à l’époque qu’à lancer la construction d’une piste en béton prévue dès 1939 pour s’affranchir des risques que pose un terrain argileux qui se draine mal, causant de nombreux accidents.
À propos de cette période riche en événements, comme on peut l’imaginer, on regrettera peut-être un trop long développement sur le marquage et l’organisation de base des unités navigantes de la Luftwaffe, ce qu’on peut trouver un peu partout sur Internet ; il eut été préférable d’explorer l’échelon intermédiaire entre les unités navigantes et les Luftflotten, sujet beaucoup moins bien connu… car moins facile d’accès.
À la suite de l’évocation des très violents combats qui suivirent le débarquement allié de juin 1944, une large partie est consacrée à la période beaucoup moins bien connue des années d’après-guerre, quand les militaires français reprirent possession des installations, ce texte nous rappelant que la base resta navigante jusqu’au milieu des années soixante, dédiée à la formation en vol sur les appareils de combat à hélices dont les opérations d’Algérie rendaient nécessaires le retour.
L’ouvrage se termine par le développement progressif de l’aviation civile sur la plate-forme, qui reste aujourd’hui un aérodrome régional actif.
Bien des auteurs abordant l’histoire aéronautique locale devraient s’inspirer de ce bel ouvrage destiné à un large public sans rien céder à la rigueur historique, remarquablement illustré ; les spécialistes y trouveront le complément indispensable au travail de Thibault Richard déjà mentionné.
Pierre-François Mary
160 pages, 21,5 x 30,7 cm, relié