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Histoire de l’Armée française (2 DVD)


Deux siècles de la Grande Muette
enfin révélés
Gabriel Le Bomin & Brigitte Martinez

Accéder directement à la conclusion de l’article de Corinne Micelli.

Ce documentaire, découpé en quatre parties bien distinctes, propose de retracer l’histoire de l’armée française de la Révolution à nos jours. D’aucuns pourraient penser qu’en limitant l’existence de notre armée à deux petits siècles, toutes ses activités antérieures au 14 juillet 1789 sont destinées aux oubliettes de l’histoire. Ils auraient tort, car dès les premiers commentaires, les auteurs du DVD prennent le soin de rappeler brièvement son fonctionnement sous les précédentes monarchies.

Partie I : Avant la date historique de la prise de Bastille, les rois guerroyaient contre les autres rois. L’armée était une armée de métier et demeurait l’apanage de la noblesse en mal d’aventures pour les armes prestigieuses (cavalerie et infanterie), la bourgeoisie se partageant jalousement l’artillerie et le génie. À leur solde, des mercenaires issus du peuple servant de chair à canon. Sous Louis XVI, à la veille de la Révolution, une nouvelle époque s’annonce pour le pays et pour l’armée. Elle est non seulement la plus grande armée du monde mais elle est crainte, respectée et son modèle est même copié à l’étranger. Il y règne toutefois une contestation politique importante du fait que les sous-officiers ou les officiers de fortune issus du peuple sont bloqués dans leur avancement. Il faut en effet détenir quatre degrés de noblesse pour être officier et faire carrière.
Lors de la prise de la Bastille, de nombreux éléments de la garde royale désertent leur compagnie pour venir prêter main fort aux sans-culottes. Tous combattent la monarchie aux cris de « Vive la nation ! » Dans les casernes, les révoltes éclatent. L’armée royale se décompose, dans la Marine notamment puis dans l’armée de Terre en 1793 lorsque la Convention prendra des mesures contre la noblesse. Nombreux sont ceux qui émigrent vers les monarchies étrangères pour participer à la coalition destinée à remettre Louis XVI sur le trône de France. Il s’agit donc maintenant une armée qui sort du peuple, et le corps des officiers se renouvelle. Les promotions se font au mérite et non plus aux privilèges de la naissance. L’élan patriotique est la base de l’enrôlement volontaire. Tous s’engagent pour défendre les valeurs de la Révolution Les volontaires insufflent leur allant à l’armée de métier et cet amalgame devient culturel et géographique. Les militaires proviennent de tous les coins de l’Hexagone et c’est ainsi que l’armée devient un milieu d’intégration et d’éducation. On y apprend les chants patriotiques, la Marseillaise, Ah ! ça ira ! et la Carmagnole. Ce sursaut patriotique de citoyens soldats qui n’avaient jamais affronté le feu trouve son aboutissement à Valmy. Ce n’est plus la guerre d’un roi contre un autre roi, mais celle d’un peuple qui se bat contre la tyrannie. La tactique consiste à submerger en nombre l’ennemi et à provoquer la panique. Elle est basée sur la mobilité et la concentration de forces. Pour la première fois, les généraux de la Révolution montent en première ligne : Marceau, Hoche, Jourdan, et enfin Buonaparte, nommé général en chef à 27 ans.
En 1793, les jeunes gens sont requis et non plus volontaires. La conscription devient obligatoire sous le Directoire. L’armée de la Révolution se transforme et devient un outil de conquêtes et d’expansion. Napoléon devient le maître parce qu’il possède l’épée et la Grande Armée, hypnotisée par le charisme du jeune Corse le suit sur toutes les routes d’Europe aux cris de « Vive l’Empereur !». Napoléon Ier fait la guerre-éclair avec les pieds de ses soldats, met en place un réseau de renseignements indispensable à la connaissance du terrain où il a décidé de se battre. On parlait de tactique, il s’agit maintenant de stratégie. Pour s’entourer d’officiers d’élites, Napoléon fonde les écoles militaires de Saint-Cyr et de Polytechnique. Après la désastreuse retraite de Russie, la prescription devient impopulaire tant l’empereur demande des hommes. L’armée est composée d’éléments hétéroclites de toutes les nations conquises et la motivation n’est plus la même. De plus, les maréchaux et les généraux se sont enrichis en âge et en argent. L’agonie de l’Empire sonne le glas de leurs privilèges. C’est la chute de l’Aigle.
Une fois la monarchie rétablie, Louis XVIII rénove l’armée en abolissant la prescription, et on crie alors à nouveau « Vive le Roi ! ». On « remercie » les généraux de Napoléon et on les remplace par des officiers émigrés depuis quinze ans. Un nouveau système de conscription est mis en place en 1818, reposant sur le tirage au sort, un système inégalitaire, car les riches échappent au service en monnayant leur mauvais numéro. L’armée des conscrits qui renouvellent pour la plupart du temps leur rengagement devient quasi professionnelle, et est appelée à opérer à l’étranger. Le gouvernement de Charles X pense à l’Algérie. C’est le début de la colonisation. En France, l’armée s’organise pour affronter les émeutes, les grèves, les insurrections qui éclatent en province et à Paris. La troupe sert au maintien de l’ordre, ce qui ne correspond pas à l’éthique du militaire, chargé de défendre la Nation en danger.
Le 2 décembre 1851, l’armée porte Napoléon III au pouvoir lors d’un coup d’état. Tel un conquistador, le nouvel empereur multiplie les interventions militaires : Crimée, Syrie, Chine, Cochinchine, Mexique. De la Restauration à 1870, l’armée vit dans la douce torpeur de ses dernières victoires, une illusion qui va vite se déliter face aux Prussiens qui ont modernisé leur armée et possèdent des armes plus puissantes. L’armée impériale s’effondre en un mois. Après la capitulation de Sedan, elle est renforcée par 600 000 volontaires. Un climat insurrectionnel se développe à Paris : c’est la Commune, réprimée sévèrement. Jusqu’à 30 000 communards sont fusillés ou exilés en Nouvelle-Calédonie. Les crimes de guerre sont perpétrés par l’armée nationale. Mais l’urgence est de la reconstituer en tirant des leçons de la défaite de Sedan. Elle se prépare à la revanche. La IIIe République s’emploie donc à rénover l’outil militaire.

Partie II : L‘armée a besoin de reconquérir son honneur perdu et s’engage dans la colonisation au prétexte d’apporter les bienfaits de la civilisation. Le Laos, la Syrie, La Réunion, la Guadeloupe, le Tonkin, Madagascar, etc. vont constituer un vaste empire, le second au monde après l’Angleterre. Grâce au grand nombre « d’indigènes » et de territoires conquis, elle a l’impression de retrouver sa qualité de grande puissance : Gallieni, Lyautey, Joffre, exaltés par la notion de mission civilisatrice, se lancent dans les expéditions avec enthousiasme. L’armée joue un rôle d’éducatrice, et les « hussards noirs de la République » inculquent aux enfants les notions de liberté et de fraternité. L’armée s’enrichit de régiments de spahis, de goumiers et de tirailleurs sénégalais, etc. La levée en masse de troupes supplétives augmente ses effectifs et représentent un vivier de soldats loyaux et asservis qui viendront compenser le déficit démographique en France. En métropole, les officiers jouissent du prestige de l’uniforme, et sont éduqués dans l’esprit de revanche. Les écoles d’officiers recrutent sans difficulté. Près de 30 % du budget de la IIIe république sont consacrés à l’effort de guerre. On produit les fusils Lebel et les canons de 75 en grand secret. Mais c’est justement une affaire d’espionnage sur le nouvel armement qui va mettre à mal le prestige de la Grande Muette : l’affaire Dreyfus. Le peuple et l’armée se divisent en dreyfusards et anti-dreyfusards. Sous la pression de la presse, et notamment l’historique J’accuse d’Émile Zola, l’armée est contrainte de rouvrir le dossier ; le capitaine sera réintégré dans son grade. Pour l’opinion française, l’image de probité et de cohésion qu’elle se faisait de l’armée est profondément entachée.
Parallèlement, et pour calmer le jeu, la République construit des villes de garnison, avec commerces, gare et écoles. L’armée retrouve une image positive, et le service militaire, d’une durée de deux ans, devient obligatoire. C’est un vecteur d’intégration et un signe de passage à la vie d’adulte. Au début du XXe siècle, l’armée est toujours utilisée pour le maintien de l’ordre public ou pour briser les grèves. Après l’assassinat de Jaurès, le concept de nation armée prend toute sa valeur quand le puissant mécanisme de la mobilisation se met en marche. En quelques jours, 4 millions d’hommes sont appelés sous les drapeaux. Cette armée présente un double visage : modernité de l’armement et utilisation de l’aviation naissante à des fins d’observation. Par contre, elle manque de moyens radio et les fantassins, chargeant encore à la baïonnette, portent le pantalon rouge garance de la guerre de 1870. En 1914, toutes les forces militaires sont tournées vers l’offensive, la doctrine de l’offensive à outrance pour gagner une guerre qui ne saurait excéder quelques semaines. L’état-major se trompe : au 31 décembre de l’année 1914, on dénombre déjà plus de 300 000 morts. Depuis le début de la guerre, la France est coupée en deux territoires : une partie sous la coupe du ministre de la Guerre, et la zone de guerre dans laquelle le généralissime a tout pouvoir. Joffre prend vite le pas sur le gouvernement exilé à Bordeaux. Un vote du Parlement en 1916 permettra de reprendre le pouvoir aux militaires qui s’obstinent dans l’offensive à outrance sans grand résultat. La guerre de mouvement se transforme en guerre de tranchées. Dans ces trous qui deviennent des cloaques aux premières intempéries, on vit les mêmes épreuves, on mange le même rata… et l’on parle des dialectes différents. Cette promiscuité est un véritable brassage culturel mis en place par l’état-major dans le but de faire émerger une fraternité d’armes. Plus de 400 000 volontaires indigènes combattent dans les tranchées pour un pays dont ils ne connaissent ni les coutumes ni les motivations. Et encore moins l’Alsace et la Lorraine ! Au contact des soldats français, ils se sentent enfin considérés comme des hommes à part entière.
La vie dans les tranchées est épouvantable et les conditions éprouvantes. Les jeunes partis en août 1914 n’ont bénéficié d’aucune permission un an plus tard. Certes, ils sont soldats mais ils sont également citoyens et s’ils ont des devoirs, ils revendiquent leurs droits. C’est le début des mutineries qu’endigue le général Pétain à coup de sévérité et de paternalisme.
C’est à Verdun que tout se joue. Pour la première fois au cours d’une guerre, la bataille s’engage sur un combat aérien. Il s’agit d’être le premier à conquérir le ciel. Cette première bataille aérienne emportée par les pilotes français change le cours de l’histoire. L’aviation joue désormais un rôle primordial. À partir de cette date, de part et d’autre de la frontière, chacun sait qu’on ne pourra plus se passer d’elle. Côté artillerie, le char arrive sur le terrain. Pour la première fois également, la guerre devient industrielle. Les femmes investissent les usines et contribuent à l’effort de guerre. Les armes nouvelles sont les avions (au nombre de 370 en 14, ils seront 3600 en 1918), et les chars, inconnus au début du conflit, seront produits en 3400 exemplaires en 1918. Mais la notion d’honneur a totalement disparu, c’est une guerre où le sang et les larmes se mêlent à la pluie pour faire de la boue.
L’armée a connu une mutation la plus extraordinaire de son histoire. Le 11 novembre 1918, la France, bien que considérée comme la première puissance mondiale, est exsangue. Il faut rebâtir avant tout les provinces en ruines, et le budget destiné à entretenir son armement est relégué aux calendes grecques. Les usines de guerre s’arrêtent, le personnel licencié, la production d’avions et de chars très vite remisée. On assiste à un véritable déclin de l’armée, d’autant plus que, sous l’impulsion des anciens combattants, elle est considérée comme l’administration responsable de toutes les souffrances. Un secrétariat aux anciens combattants est créé, et les militants vont faire naître un courant de pensée pacifiste. Trois millions d’entre eux participent à un renversement de la doctrine militaire. Le gouvernement français doit tenir compte de cette importante partie de l’électorat. Ce pacifisme issu « du plus jamais ça » engendre la création d’une ligne de fortifications destinée à barrer l’invasion de l’ennemi héréditaire et son auteur, André Maginot justifiera les sommes englouties à sa construction par cette phrase historique : « Le mur de béton coûte moins cher que le mur de poitrines  ».
Le 1er avril 1933, l’armée s’enrichit d’une nouvelle composante : l’armée de l’Air, divisée en aviation de chasse, de bombardement et de renseignement. Il lui faut désormais s’organiser et ouvrir des écoles. La France s’enfonce dans l’instabilité politique alors que le fascisme grimace à ses frontières. Faute de crédits suffisants, l’armée la plus puissante du monde est devenue une armée immobile. En 1936, Léon Blum fait enfin voter le budget nécessaire à sa modernisation. Pour les militaires, il est déjà trop tard….

Partie III : Quand éclate à nouveau la guerre en septembre 1939, la ligne Maginot est prête à assurer son rôle. Hitler contourne les fortifications et perce en France par la Belgique. C’est une défaite de l’armée et de la Nation. Deux millions de soldats croupissent dans les prisons allemandes, le reste s’éparpille sur les routes de France, se mêlant aux populations en exode. Une partie se replie en Afrique du Nord sur les territoires de l’empire colonial. La France fait appel à un militaire pour diriger la France vaincue : le maréchal Pétain, encore auréolé de la gloire de Verdun. De son côté, le général de Gaulle, qui se trouve à Londres, lance son fameux appel du 18 juin 1940 pour convaincre ceux qui désirent continuer la lutte de venir le rejoindre. L’armée, défaite dans les combats, est déchirée entre deux politiques menées par deux militaires. L’un auquel elle a prêtée serment, et l’autre considéré comme un général félon. La société militaire obéit par essence ; aussi la majorité reste-t-elle fidèle à Pétain.
L’armistice impose à la France de désarmer son aviation, de neutraliser sa flotte et de réduire l’armée de Terre à 100 000 hommes, destinés à maintenir la paix. L’armée prend alors le nom « d’armée d’armistice ». Un chiffre d’autant plus facile à atteindre que les lois d’exception votées dès août 1940 concernant le statut des juifs entraînent de facto la radiation de nombreux militaires de religion israélite. L’armée combattante rejoint Londres ou les territoires ayant opté pour la France Libre. Il faut attendre le débarquement des Alliés en novembre 1942 pour que la France Libre et l’armée d’armistice se réunissent pour n’en faire qu’une. Difficile de fraterniser quand on s’est confronté à Dakar et en Syrie ! Pour l’armée française, une cicatrice indélébile. Au début, les rapports sont assez tendus, mais l’esprit de revanche prime sur les rancoeurs. Le débarquement de Provence dans lequel les troupes coloniales de l’Empire, la nouvelle armée reconstituée et les forces alliées s’engouffrent remet tout le monde sur un pied d’égalité.
Lorsque l’Allemagne capitule, Charles de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, met en place les cours de justice, destinées à juger le comportement de centaines de milliers de militaires sous l’Occupation. On parle maintenant « d’armée propre ». Près de deux milliers de militaires sont rayés des cadres. Après Hiroshima et Nagasaki, de Gaulle n’a plus qu’une seule idée : doter la France de l’arme nucléaire. L’euphorie de la victoire et l’idée d’obtenir cette arme nouvelle sont écartées par les insurrections dans les colonies. En Algérie, des émeutes sanglantes éclatent et de plus, il faut rétablir l’ordre en Indochine. La guerre change de visage sous la forme de guérilla. Il ne s’agit plus de conquérir le terrain mais de convaincre les populations. En Indochine, le Nord Vietnam déclare son indépendance. L’armée française se sent lâchée par la métropole, d’autant plus que l’Algérie s’enflamme de nouveau avec la création du FLN. On lui ordonne de réprimer sévèrement les exactions et le fossé se creuse de plus en plus. C’est l’heure du terrorisme et des attentats, entraînant l’allongement du service militaire. Le chef du gouvernement français, Guy Mollet, demande au parlement de lui accorder tous les pouvoirs. Le général de Gaulle, qui se tient en retrait depuis 1946, attend son heure. D’ailleurs, il ne tarde pas à être appelé pour régler le problème algérien. Il est chargé d’établir la nouvelle Constitution pour la Ve République, mais l’idée de doter la France de l’arme nucléaire le taraude toujours autant. Pour l’heure, l’armée d’Afrique, forte de 400 000 hommes, grève le budget de l’armée ; il faut donc la rapatrier. Les accords d’Evian se traduisent par un cessez-le-feu le 19 mars 1962. La France abandonne ses troupes supplétives formées des 10 000 harkis musulmans acquis à la cause française, qui seront massacrés par le FLN. Dépités, plusieurs milliers d’officiers démissionnent ou s’engouffrent dans la clandestinité. C’est en Algérie que l’armée française perd une grande partie de son âme. Un sujet qu’il faut vite oublier. Elle se regroupe en métropole après trente années de victoires, de défaites, d’obéissance et de rébellion. Avec de Gaulle au pouvoir, une nouvelle ère s’ouvre pour la France qui peut désormais acquérir la bombe nucléaire et restituer son indépendance à la France en se retirant de l’Otan.

Partie IV : Depuis la réussite de son premier tir nucléaire en 1960, la France fait partie des puissances atomiques aux côtés des États-unis, de la Russie et de la Grande-Bretagne. L’organisation de toute l’institution militaire s’en trouve bouleversée, d’autant plus que deux grands blocs s’affrontent. Les forces de l’Otan et du pacte de Varsovie vivent dans la crainte d’un nouveau conflit. Pour atteindre son objectif, le général de Gaulle réorganise l’armée et, grâce à la nouvelle Constitution, il devient chef des armées. Il écrème d’abord celle de Terre, en fonction de son attitude dans la guerre d’Algérie. En deux ans, les effectifs passent de 1 000 000 d’hommes à 500 000. Repliée dans ses casernes en Allemagne, elle passe à l’ère de la modernité. Les officiers sont désormais formés en vue d’une guerre nucléaire. Ils retournent en grandes écoles et en université pour s’adapter aux nouvelles techniques et se parfaire aux relations internationales. Le combattant doit être un penseur. L’ordre d’engagement des forces nucléaires relève du seul chef de l’État. Et l’État exerce son contrôle sur l’industrie en créant la future DGA, et maîtrise totalement le budget de la défense. Un quart du budget de la nation est investi dans les lois de programmation militaire, permettant ainsi de fabriquer le Mirage IV rapidement. Le prototype fait son premier vol en juin 1959, et le 1er octobre 64, la première unité dotée de Mirage IV est déclarée opérationnelle 24/24, et prend l’alerte à quinze minutes huit jours plus tard. L’équipage emporte des bombes de 62 kilotonnes, équivalentes à trois fois la charge lâchée sur Hiroshima. C’est le premier élément des trois composantes de la force nucléaire stratégique. Un autre nouveau système d’arme complémentaire est mis en place sur le plateau d’Albion en 1963. Des missiles stratégiques enfouis dans des silos peuvent déclencher à tout instant sept fois la charge d’Hiroshima, à une distance de 3000 kilomètres. La même année, le programme du sous-marin nucléaire Le Redoutable est lancé. L’armée de Terre est la dernière à être dotée du Pluton, intégrant également l’ère nucléaire. La France est désormais capable de frapper partout où elle se trouve et tout azimut.
En 1966, la France quitte l’Otan et transfère son siège à Bruxelles. Les divisions françaises sont mises en réserve de l’Otan mais sous commandement national. Mai 1968 : Pierre Mesmer, ministre des Armées, décide de ne pas mettre l’armée à contribution pour rétablir l’ordre. Mais elle se trouve confrontée au problème de recrutement. La porte s’ouvre enfin aux femmes pour pallier le manque d’effectifs. Un défi pour ces jeunes filles qui pénètrent un métier d’hommes et faire leurs preuves.
Les affrontements se passent maintenant en Afrique. La France intervient pour rétablir l’ordre, ou en cas de coup d’état pouvant menacer l’ordre mondial. À partir de 1970, les Soviétiques développent des nouveaux systèmes d’arme sol-air portables, des missiles à guidage infrarouge faciles d’utilisation. Aussi faut-il déployer des avions de combat sur les terrains d’opérations, d’où la politique du Jaguar, un avion spécialisé dans les combats au sol. Cet appareil franco-britannique y gagne ses lettres de noblesse.
Pour intervenir sur les théâtres d’opérations, l’armée développe un nouveau concept, celui de projection. Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombe et l’Allemagne se réunifie. Pour la première fois de notre histoire, la France n’est plus entourée que d’alliés, et les repères d’antan disparaissent. Un an plus tard, l’Irak envahit le Koweit. Les États-Unis organisent une riposte mondiale et la France se range à ses côtés. Ce conflit transforme la stratégie et l’image de la guerre. On frappe désormais les objectifs à caractère stratégiques et politiques avec une précision diabolique. La France teste ses capacités de projection avec l’opération Daguet. Celui qui maîtrise l’information et l’exploite a désormais l’avantage sur les champs de bataille. Avec les satellites Hélios et Syracuse, l’Hexagone gagne son autonomie en renseignement électronique, et réorganise ses forces spéciales. Les États-Unis et le Royaume-Uni utilisent les procédures Otan. Pour ne pas être écartée des coalitions, la France accepte de fournir des responsables dans les différents états-majors. La guerre de Bosnie apporte une nouvelle approche de la guerre avec la présence des casques bleus majoritairement français, devenus soldats de la paix, transformés en force d’interposition pour maîtriser une guerre civile.
À partir de 1992, 20 000 soldats volontaires opèrent en permanence hors de métropole. Le contingent n’y a pas sa place. Jacques Chirac, à la présidence de la République, décrète en 1996 la suspension de la conscription au profit d’une armée de métier professionnelle, mettant fin pour certains à deux siècles d’histoire militaire française. Une nouvelle page se tourne, d’autant plus que de nouvelles menaces, inconnues jusqu’alors, sont apparues sous la forme de la prolifération nucléaire et du terrorisme.

Notre avis : Un documentaire d’une belle facture, élaboré en quatre parties distinctes et cohérentes qui se laissent visionner les unes après les autres sans baisse d’intérêt. Pour preuve, ce résumé « fleuve »… Généreux en illustrations, en commentaires et en interviews, il permet de comprendre l’évolution de l’armée française qui, au cours de ces deux derniers siècles, a connu une profonde mutation. De nombreux extraits choisis de fictions alimentant le discours permettent de visualiser les scènes à une époque où le cinéma n’existait pas encore. Les auteurs ont pris soin d’aborder tous les grands événements qui ont bouleversé l’armée : la Révolution, l’Empire, la Royauté, les guerres coloniales, l’affaire Dreyfus, la Grande Guerre, la Seconde Guerre mondiale, les guerres d’Indochine et d’Algérie, la possession de l’arme de dissuasion absolue et enfin, les théâtres d’opérations extérieures.

De la garde royale à l’armée de métier, le spectateur comprendra comment se sont forgés l’esprit de corps et le sens de la cohésion habitant ces hommes qui ont choisi d’embrasser une carrière non exempte de risques pouvant aller jusqu’au sacrifice extrême. Les monuments aux morts érigés dans tous les villages français commémorent le souvenir de ces braves qui ont donné leur vie afin que nous vivions en paix aujourd’hui.

Autre intérêt, et non des moindres, ce documentaire se veut également pédagogique. Un outil quasi indispensable pour enseigner aux jeunes générations l’histoire de notre défense à une époque où la conscription n’est plus obligatoire… et où les cours d’histoire seront optionnels en première et en terminale. À voir, à écouter, à faire découvrir et enfin à conserver pieusement si l’on désire que le devoir de mémoire se perpétue…

Enfin, l’attention des aéronautes se fixera certainement sur la dernière partie du film qui fait la part belle à l’aviation, notamment au mythique Mirage IV retiré du service en 2005. Nul doute que la dernière prise de vue représentant un Mirage 2000 armé passant la post-combustion pour amorcer un virage achèvera de les conquérir.

Corinne Micelli


– 4 parties de 52 minutes :

• 1789 à 1870 : de la Révolution à la Commune de Paris

• 1871 à 1939 : de l’affaire Dreyfus à la ligne Maginot

• 1940 à 1962 : le temps des défaites

• 1963 à nos jours : de la dissuasion nucléaire à l’armée de métier
– 1 heure de bonus

Bonus DVD (1 heure)

Rencontre avec Hélie De Saint-Marc sur la guerre d’Algérie (24 min)

5 entretiens inédits avec Jean-Paul Bertaud, Philippe De Carbonnières, Jean-Jacques Becker, le général Gallois et le général Forget (35 min)

Bandes-annonces


Durée : 3 h 30
Couleur. Stéréo. Langue : français
2 disques. Pal. Zone 2. Format écran : 4/3. Format image : 1.33

Ouvrages édités par
En bref

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