Le Maine-et-Loire n’est pas l’Anjou… et vice-versa ! Inutile donc de regretter le peu de place faite ici aux aviateurs de Saumur ou Cholet, car il s’agit bien de nous conter les amours angevines pour les sports aériens, amours variées qui défilent sous la plume élégante de Jacques Boisnard, malheureusement disparu avant d’avoir pu voir son travail sortir des presses.
Il y a matière à dire donc, depuis les premiers vols de René Gasnier, que l’auteur décrit à juste titre comme « celui par qui tout est arrivé », créateur d’une série de biplans cellulaires qu’il essaie avec succès au cours de l’été 1909 dans les prairies qui bordent la Loire, avant de devenir l’un des premiers élèves des frères Wright en France.
Son statut de précurseur, il le doit aussi à l’élan qu’il donne — avec d’autres — au développement de l’Aéro-club de l’Ouest et aux compétitions que ce dernier organise, dont la première course en ligne disputée entre Angers et Saumur en juin 1910, prélude au Circuit d’Anjou de 1912, couru cette fois sur le triangle que forment les deux villes précédentes avec Cholet, et remporté par un Roland Garros encore inconnu qui ne cessera dès lors de se faire remarquer. Angers restera synonyme de compétition aérienne, jusqu’à la toujours vivante Coupe Anjou Voltige, réservée aux artistes qui manient le Stampe dans la finesse quand d’autres alignent les « g »…
En toile de fond de ces brillants événements, on suit le développement local des sports aériens sous toutes leurs formes, grâce aux nombreux témoignages collectés par l’auteur, le tout servi par une très bonne iconographie inédite. Une des grandes qualités de ce livre est de donner une place conséquente à la deuxième moitié du XXe siècle, prouvant une fois de plus que l’Histoire de l’aéronautique ne s’est pas arrêtée le 8 mai 1945.
Ce récit ne pouvait pas se terminer sans évoquer la naissance du Groupement de Préservation du Patrimoine Aéronautique et de son Musée Régional de l’Air, fruit du travail patient de Christian Ravel, lui aussi « celui par qui tout est arrivé », comme René Gasnier avant lui. En mêlant recherche, restauration et maintien en état de vol, l’association est devenue l’une des références internationalement reconnues de l’histoire des sports aériens. Deux leçons sont à retenir de cette aventure exceptionnelle : d’une part l’habileté avec laquelle son fondateur a su intéresser les élus régionaux, par petits pas, en sachant toujours leur présenter un programme cohérent en échange de leur soutien; ensuite, cette institution nous rappelle qu’une bonne muséographie ne peut se passer d’un important travail de recherche historique. C’est là sans aucun doute un sujet de méditation pour les responsables d’autres musées, même plus importants…
Bien sûr, on pourra regretter que Julien Bessonneau et ses hangars démontables ne soient pas davantage évoqués ici, lesquels hangars inondèrent pourtant les aérodromes du monde entier pendant plus de trente années. On aurait également aimé voir développée l’histoire du centre d’entraînement des réservistes, devenu au fil des années école de début pour les boursiers de l’aviation militaire, d’autant plus que les premières années de fonctionnement de cette entreprise reste méconnues. Mais malgré cela, le livre garde la cohérence d’un récit dédié principalement aux sports aériens, récit dont la force tient à la propre expérience de l’auteur, comme aux témoignages qu’il a pu recueillir. Certes, l’Histoire ne s’est pas arrêtée et les témoignages du temps présent feront la manne des futurs historiens, mais Jacques Boisnard faisait peut-être partie de la dernière génération qui ait pu côtoyer un grand nombre de témoins de l’aéronautique de la première moitié du XXe siècle. En cela, son témoignage est probablement appelé à devenir un classique de l’histoire aéronautique, de ceux dont les auteurs nous donnent l’impression de maîtriser la trame générale grâce à leur propre expérience et aux témoignages de ceux qu’ils ont rencontrés.
Les quelques réserves que l’on pourrait faire sur des points de détails prouvent simplement que tout n’a pas encore été dit sur ce vaste sujet… et une approche plus moderne apportera un autre point de vue dans quelques années, sans pour autant que l’ouvrage présent perde de son intérêt.
Pierre-François Mary
284 pages, 17 x 24 cm, broché
Préface de Catherine Maunoury
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions L’àpart
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