Ouvrage épuisé
Il est des livres qui ne payent pas de mine mais qui apportent leur pierre à l’édifice de la mémoire aéronautique, fût-elle très localisée. La publication d’Hubert Jannon à propos des débuts de l’aéronautique à Villeurbanne, banlieue lyonnaise chère à son cœur, est à ranger dans cette catégorie.
La première partie de l’ouvrage détaille les figures marquantes ayant sévi en ces lieux. Qui n’a jamais entendu parler des études de Pompéien Piraud, ce doux rêveur visionnaire qui crut dans le plus lourd que l’air dès le XIXe siècle malgré l’hostilité ambiante, Edmond Seux a laissé moins de traces, tout comme Armand Zipfel, camarade des frères Voisin et de Maurice Colliex qui s’illustra dans l’hydroaviation.
La seconde partie est consacrée à la Grande Semaine Lyonnaise d’Aviation, laquelle se déroula du 7 au 15 mai 1910 en terre villeurbannaise. Si 1909 avait signé l’acte de naissance officiel de l’aviation avec la grande semaine de Reims-Bétheny puis celle de Port-Aviation, 1910 fut sans conteste l’année des meetings ou il fallait présenter au plus grand nombre ces merveilleuses machines encore bien fragiles. Pour satisfaire au besoin, des « champs d’aviation » sortirent de terre à grande vitesse et souvent de façon très éphémère, le temps du meeting. Celui de Villeurbanne en est un très bon exemple : il ne fut opérationnel que quelques jours avant que la base aéronautique locale ne soit déplacée plus fermement sur Bron.
L’auteur aborde cette envolée éphémère, tout d’abord à travers la présentation systématique des pilotes engagés, permettant ainsi, à travers leur histoire parfois approximative, de situer chacun dans un contexte plus large. Les appareils sont ensuite passés en revue, ce qui permet de comparer les points forts et faibles des uns et des autres.
Mais l’intérêt fondamental de l’ouvrage réside dans le travail de synthèse réalisé à partir de la presse d’époque relatant la succession chronologique des faits marquants du meeting. Et cette manifestation fut un modèle du genre, réunissant des conditions climatiques dantesques, une foule venue en masse qui en voulait pour son argent, des aléas mécaniques incessants, des pilotes en proies aux caprices d’Éole (presque tous y cassèrent du bois), le comble du paroxysme ayant été atteint lors de l’accident fatal d’Hauvette-Michelin dont la cause ne fut ni le vent, ni la mécanique.
Malgré tout cela, le meeting fut une réussite… ainsi que ce livre broché qui constitue un guide indispensable pour qui veut revivre l’un de ces meetings héroïques de 1910.
Thierry Matra
148 pages, 18 x 25 cm, couverture souple