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Histoire des hôtesses de l’air

Les filles du ciel
Alain Pluckers Ugalde

Si l’on en croit les publicités étalées sur les murs ou dans les magazines, l’hôtesse de l’air demeure la figure emblématique et incontestable du transport aérien. Pourtant, lorsque le nombre de passagers commença à devenir trop grand (plus d’une demi-douzaine !) pour que les pilotes aient le temps de s’occuper de leur confort, c’est un steward que les premières compagnies embarquèrent, suivant en cela la tradition établie par les paquebots et les wagons-lits.

L’idée vint pourtant rapidement à une compagnie nord-américaine – en 1930, de faire appel aux services de jeunes femmes, toutes titulaires d’un diplôme d’infirmière, sans toutefois faire de publicité sur ce dernier point pour ne pas alarmer une clientèle encore fragile sur les dangers possibles des voyages aériens. Passée l’hostilité initiale des pilotes se demandant ce qu’elles venaient faire dans un univers aux risques bien réels, la concurrence lui emboîta le pas, suivie par un grand nombre de transporteurs européens (Air France attendra cependant 1945 pour employer des équipages mixtes).

Avec le début des hostilités, seul le trafic nord-américain conserva de l’importance au service de l’immense complexe militaro-industriel qui se mit en place, mais les jeunes infirmières partirent vers de nouveaux cieux, sous lesquels les combats rendirent hélas leurs qualifications plus utiles. Elles furent remplacées dans les avions par une nouvelle génération, véritable pionnière d’un Âge d’Or de la profession qui vint avec le retour de la paix; les embauches se multiplièrent alors sur toute la planète pour faire face à la croissance du trafic, dans des appareils de plus en plus luxueux et confortables. A bord, les tâches étaient encore bien distinctes entre stewards régnant sur les offices (« le galley ») et hôtesses veillant au bien-être des passagers. Tout cela n’aura qu’un temps et l’apparition de la classe économique à la fin des années cinquante, puis du transport de masse inauguré par le Boeing 747, conduisirent à fondre les deux métiers en un seul, tel que le connaissent les voyageurs d’aujourd’hui.

On aurait tort de penser trouver ici un simple album de photos représentant de jolies filles posant avec un grand sourire sur le tarmac devant un avion ! En 150 pages denses, Alain Pluckers Ugalde nous brosse le portrait extrêmement intéressant d’une profession qui n’a cessée d’évoluer en peu d’années, sans être dupe de l’image qu’on a parfois voulu lui donner, et qui mériterait de figurer au sommaire des « Mythologies » de Roland Barthes…

Sans négliger les compagnies françaises, il nous fait parcourir les cinq continents, en s’arrêtant plus longuement sur le rôle précurseur des transporteurs américains. Une part importante de l’ouvrage est consacrée bien sûr aux années d’après-guerre, en insistant en particulier sur les moyens de formation qu’il fallut mettre en place devant l’avalanche de nouveaux recrutements, le tout émaillé de nombreux témoignages. Sans avoir le charme aventureux des premières années, l’évocation de cette période nous touche finalement davantage, tant elle nous paraît encore proche, mettant en scène des appareils et de aéroports que nombre d’entre-nous ont pu connaître. On lira avec une attention particulière les chapitres consacrés aux pont aérien qui fut organisé entre les USA et la Corée, puis vers le Vietnam, sujet rarement abordé.

L’auteur, d’origine belge, nous livre un travail très convaincant qui pourra satisfaire la curiosité de l’amateur comme celle des « PN », dans un style qui rappelle les publications anglo-saxonnes, en échappant à l’emphase à bon marché qu’un tel sujet pourrait laisser craindre.

Pierre-François Mary


176 pages, 24 x 29 cm, relié

En bref

Éditions Du May

ISBN 978-2-84102-105-5

42,60 €