Coup de cœur 2009 |
Après le Rafale de Germain Chambost et SNECMA, les moteurs du ciel de Pierre Sparaco, ce troisième ouvrage édité par Pascal Galodé montre combien cet éditeur sait s’attacher la collaboration d’auteurs compétents. Là encore, Robert Espérou fait partie des historiens de grande valeur, dont on sait d’emblée que le travail a été réalisé avec grand sérieux, et que les informations présentes dans son livre sont fiables. De plus, lui-même impliqué professionnellement en tant que haut responsable à la DGAC durant de nombreuses années dans cette évolution du transport aérien commercial, c’est en toute connaissance de cause qu’il présente une analyse particulièrement pertinente.
Le livre se présente dans un format moyen, avec une couverture rigide. L’impression est agréable et la lecture facile. Quelques cahiers de photos viennent s’insérer entre les pages de textes, mais il ne s’agit pas du point fort ce cet ouvrage. C’est avant tout le texte qui en constitue la richesse, synthèse de l’histoire du transport aérien civil français au travers des décennies. L’aventure couvre les débuts de l’aviation commerciale, jusqu’à l’histoire récente. Depuis l’ouverture aventureuse des premières lignes vers l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Indochine, Madagascar et la Réunion, jusqu’aux récentes implantations sur le territoire des compagnies à bas coût, tout est analysé et disséqué, sans pour antant se noyer dans tout le détail de chaque cas particulier de toutes les compagnies ; mais le contexte est clairement établi et les cas particuliers habilement présentés en support des propos éclairant chaque époque. Peut-être faudra-t-il envisager bientôt une réédition complétée, lorsque l’impact du récent accident du vol AF447 sur la compagnie Air France pourra être analysé avec autant de pertinence que le fait l’auteur pour toutes les périodes antérieures ?
Au travers des pages de ce livre, on se rend compte en effet de l’impact qu’ont eus sur le transport aérien civil certains facteurs extérieurs aussi variés que la politique, l’économie, la réglementation, la concurrence, le développement d’organismes de régulation internationaux, ou encore l’évolution technique des appareils. Le choix par exemple de la préférence nationale, souvent imposée pour certains avions comme les Languedoc, Caravelle, Mercure ou Concorde, fut loin d’être sans conséquence. Le rôle dans l’évolution ou au contraire la stabilisation par les personnalités qui se sont succédé à la tête des grandes compagnies aérienne est également édifiant. Comment une compagnie comme Air Inter a-t-elle pu passer en quelques années du statut de compagnie la plus rentable, avec le taux d’expansion le plus élevé, à celui de filiale encombrante dont le nom même devait disparaître ? Comment fut gérée la transition liée à la décolonisation progressive après la Seconde Guerre mondiale ? Comment les compagnies françaises ont-elles vécu l’implacable mutation des domaines protégés et régis par les autorités nationales vers la libéralisation et l’ouverture à la concurrence ? Comment ont été réparties les innombrables subventions qui ont activement soutenu le développement de l’aviation commerciale française durant toute son histoire ? Quelles étaient les contreparties ? Comment les compagnies privées se sont-elles créées et comment ont-elles agi pour survivre dans ce contexte délicat ? On découvre les avantages et les travers des situations successives, avec leurs évolutions et leurs impacts disséqués au plus haut niveau.
Si Air France joue évidemment un rôle privilégié dans cette histoire, elle n’est pas la seule. L’auteur nous fait découvrir les coulisses d’Air Bleu, Air Union, Air Afrique, TAI, UAT, UTA, Air Inter et même des noms moins connus, souvent oubliés, de petites et grandes compagnies comme Aigle Azur, TAT, Air Alpes, Rousseau Aviation, d’Air Liberté (dont la récente déroute a alimenté bien des chroniques), etc. Il aborde également les filiations et l’évolution des relations avec d’autres compagnies, notamment en Afrique et plus récemment en Europe, avec les jeux de fusions et de regroupements d’intérêts au travers de grands consortiums financiers. La liste semble interminable, mais pourtant tout semble si simple à la lecture de cet ouvrage !
Ce livre richissime est à la fois passionnant à lire et difficile à appréhender dans son intégralité tant la densité d’information y est grande. C’est un ouvrage à lire et à garder en référence pour tous ceux qui s’intéressent à l’aviation commerciale en France, toutes époques confondues.
Philippe Ricco
284 pages (+3 cahiers photos N&B et couleur), 21 x 15 cm
Relié + jaquette
– Coup de cœur 2009