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Histoire(s) d’espace

Mission vers Hubble
Jean-François Clervoy

Voilà un livre que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire. J’ai dévoré les 70 premières pages lors de la première soirée, l’autobiographie de l’astronaute de l’ESA ayant réussi à damer le pion à la rediffusion des aventures télévisuelles d’un certain médecin dont je suis pourtant plutôt fan.

Je pensais connaitre un peu cet astronaute français ; eh bien je me trompais. Ce livre m’a permis d’apprendre et de comprendre beaucoup de choses, sur lui, ses trois vols à bord de la navette, surtout le dernier en décembre 1999, la vie et le travail dans l’espace.

Fils d’un pilote de chasse, il n’a pas suivi la carrière paternelle. Son introduction à la troisième dimension a commencé par le parachutisme sportif. Tandis que son frère jumeau fait carrière dans la médecine militaire, Jean-François Clervoy passe par l’école polytechnique, SupAéro puis intègre la Direction Générale de l’Armement, détaché au Centre National d’Études Spatiales en 1983.

Il commente sa première sélection comme astronaute par le CNES, et explique sa particularité, laquelle le dessert initialement : il est un ingénieur de haut niveau certes, mais ni un pilote d’essai, ni un scientifique. Il est en lice pour les vols spatiaux franco-russes, mais à deux reprises on lui préfère un pilote. Pourtant, dans l’intervalle, il avait fait ses classes d’ingénieur navigant d’essais à l’EPNER, puis développé la Caravelle « Zéro g ». Diantre, cela donne envie d’aller repêcher un vieil Air Fan des familles ou un ancien numéro du Fana de l’époque pour se replonger sur les fonds baptismaux de ladite Caravelle.

Jean-François Clervoy repasse alors toute la sélection d’astronaute, mais cette fois-ci, pour le compte de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), et réussit au printemps 1992. Le partenariat de l’ESA et de la NASA lui permet, à l’été 1992, de devenir comme il l’écrit lui-même : « Pas en tant qu’invité ponctuel, mais comme astronaute de carrière, comme professionnel s’engageant à la NASA sur le long terme ». Et ce sont là des différences que je n’avais personnellement jamais perçues. Résultat : premier vol dans l’espace en 1994, deuxième vol en 1997, un ravitaillement de la station MIR, puis en décembre 1999, une mission de réparation du télescope spatial Hubble.

Si le début du livre rapporte des anecdotes de sa formation, son amitié avec le vétéran John Young, la trame principale du livre concerne ce troisième vol. On découvre que la NASA lui confie de nombreuses responsabilités. En plus d’être l’ingénieur navigant de l’équipage, et donc d’assister les pilotes de la navette lors du décollage et du retour, il fait des merveilles dans le maniement du bras robotique.

L’astronaute français dédie un chapitre au questionnement philosophique de la place de l’homme dans l’univers. Il distribue les arguments pour et contre, donne son avis personnel mais en aucun cas ne cherche à forcer son lectorat, et c’est tout à son honneur.

Un autre chapitre est consacré à la perte de Columbia en 2003. Sans ambages et sans détours, l’homme de l’intérieur qu’il est prend le temps d’expliquer. Il se remet dans le contexte et évoque la tragédie avec honnêteté et lucidité. À l’époque, je ne comprenais pas pourquoi un sauvetage n’avait pas été tenté. La lecture de ce livre m’a apporté un complément de réponses, notamment sur les possibilités qu’il y aurait eu d’une mission de secours ou d’un déroutement vers la station spatiale internationale.

Je n’ai trouvé qu’un défaut à ce livre : l’iconographie. C’est simple : il n’y en n’a pas. Le portrait en couverture, une vignette de Hubble en quatrième de couverture, et c’est tout. C’est bien dommage, car même si le lecteur « un peu informé » sait à quoi ressemble une navette spatiale, Hubble, voire un T-38, le lectorat plus profane aurait bénéficié de quelques illustrations assez générales. Des portraits des femmes et des hommes mentionnés au fil des pages, les avions, véhicules spatiaux, pas de tir… auraient agrémenté le récit. Des photos de la capture d’Hubble, sa réparation en décembre 1999, quelques images ou dessins techniques de ce fameux bras manipulateur auraient satisfait l’appétit des plus exigeants.

Parmi les grandes qualités du livre, la clarté de son style, simple et clair. C’est fluide, finalement assez bien structuré. Les pages fourmillent de détails techniques et d’explications à la portée de tout un chacun. Cette publication est à la fois technique, didactique et pédagogique, sans jamais tomber dans un excès ou son inverse.

Sans que j’y aie vu une attaque personnelle, Jean-François Clervoy parle du lobby des pilotes lors de la nomination des premiers spationautes français. Pas de triomphalisme à l’inverse quand il montre qu’a contrario, il a parfois eu plus de responsabilités dans la conduite d’une mission de la NASA que ses homologues pilotes.

Le cinquième français dans l’espace décode pour nous le fonctionnement de l’agence spatiale américaine et l’état d’esprit des hommes qui la composent, et j’ai apprécié cette introspection. Tout comme j’ai aimé l’humilité sur ses compétences et la pudeur quand il évoque sa famille. Peut-être ma vision est-elle trop angélique, celle d’une biographie aseptisée et « propre sur elle » mais mon sentiment premier a été celui de lire un récit fidèle et honnête sur un travail et une vie extraordinaire.

Je recommande chaudement cet ouvrage à tous ceux qui s’intéressent peu ou prou à l’espace. Ils y apprendront beaucoup. La simplicité et la clarté de son écriture en font également une bonne idée de cadeau pour des jeunes lecteurs déjà un peu passionnés par le sujet.

Jocelyn Leclercq


212 pages, 15,5 x 24 cm, broché

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Éditions Jacob Duvernet

ISBN 978-2-84-724-251-5

19,90 €