Après avoir été quasiment oublié durant des décennies, Hubert Latham, brevet n°9 de l’Aéro-Club de France, pilote dandy à la personnalité si énigmatique, suscite un intérêt renouvelé. Au delà de son activité aéronautique emblématique de second malheureux de Blériot dans la course à la traversée de la Manche et de son profil légendaire rivé au poste de pilotage de son Antoinette fumant son éternelle cigarette, il existe une personnalité étrange, se détachant de ses contemporains et survolant les fastes d’une époque où son succès pourrait paraître facile.
Son éducation aisée franco-britannique l’amenant à fréquenter les plus hautes sphères européennes, il disposait d’un atout indéniable face aux clivages nationalistes en formation. De nationalité française, il parlait parfaitement l’anglais (mais aussi l’allemand), et ses liens familiaux lui ouvrirent les portes de milieux financiers européens. Il choisit néanmoins l’aventure, délaissant l’assurance d’une vie « sans soucis » au profit d’explorations africaines, réalisant un long voyage d’exploration et chassant jusqu’au Soudan où il acheta des terres. Il revint en Europe, pilota pour Léon Levavasseur des bateaux à moteur, puis se lança dans l’aventure de la société Antoinette avec le succès que l’on sait. Participant aux meetings de 1909 et de 1910, puis profitant de sa participation à la coupe Gordon Bennett à New York pour poursuivre sa route jusqu’à Los Angeles. Bravant mille dangers à une époque où la course au progrès rendait obsolète la société portée aux nues la veille, il préféra quitter les affres de la société Antoinette pour aller chasser en Afrique. Son long voyage qui le mena de la côte ouest du Congo à Fort-Archambault aux confins de l’actuel Tchad, lui fut fatal. Mais à la lecture de son dernier carnet enfin retrouvé, il s’avère que le plus grand prédateur qu’il eut à affronter ne semblent pas avoir été le seul buffle blessé qu’il s’était mis en quête d’achever …
Barbara Walsh, auteur irlandaise passionnée d’histoire, nous entraîne à travers les hautes sphères franco-britanniques qui constituèrent la jeunesse formatrice d’Hubert Latham. Parfois complexe, le récit de ses aventures mondaines et artistiques avec la fine fleur aristocratique protestante de l’époque vous fera côtoyer des personnages illustres comme Eileen Grey et Isadora Duncan. La partie aérienne purement technique est souvent traitée en arrière-plan, mais toujours remise en perspective avec les différents tendances politiques de l’entourage de Latham. Ainsi, son échec répété face à Blériot semblait favoriser une entente cordiale naissante face à des intérêts germaniques mal vus de l’autre côté de la Manche. De même, la dernière partie conséquente du livre, consacrée à sa traversée de l’Afrique équatoriale, apporte une lumière nouvelle sur ses derniers jours et sa disparition, ce qui manquait aux derniers ouvrages traitant du sujet.
Le texte original date de 2007, cette traduction d’inégale valeur aurait mérité une relecture plus approfondie sur certains chapitres. Dans les légendes photos, l’unité de puissance « hp » est traduite par « CV » (qui est une unité de puissance fiscale et non nominale) ; « ch » eût été préférable (bien qu’approximatif). L’épaisseur du livre, plus de 400 pages, et le centrage des pages de fort grammage trop proche de la reliure ne sont pas vraiment faits pour offrir le confort de lecture souhaité. L’ensemble demeure une excellente étude comportant une riche iconographie souvent inédite permettant d’apporter un nouvel éclairage sur l’un des pionniers les plus attachants des débuts héroïques de l’aviation.
Thierry Matra
430 pages, 16 x 24 cm, broché
113 illustrations
Traduction : Marie-Monique Léoutre