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IAR-80

Le héros méconnu
Dan Antoniu & George Cicos

Eh non ! Pendant la Seconde Guerre mondiale, les cieux européens ne bruissaient pas exclusivement du fracas des combats de Spitfire, Messerschmitt Bf 109 ou Mustang. Plus à l’est, d’autres appareils, généralement oubliés, livrèrent bataille. Il est rarement question de l’IAR-80 roumain, relativement méconnu, qui fut néanmoins construit en grande quantité et participa activement aux combats, avec la particularité de s’être battu successivement dans les deux camps.

Il existe deux approches pour rédiger une monographie d’avion, selon le goût personnel et la capacité des auteurs d’une part, et la carrière de l’appareil d’autre part : l’une essentiellement technique, l’autre axée sur la carrière opérationnelle. C’est la seconde approche qui prévaut largement dans ce livre dédié à l’IAR-80, appareil d’allure racée qui symbolisa la chasse roumaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Non que l’aspect technique soit négligé : après une introduction portant sur l’histoire de l’aviation roumaine, dix pages sont consacrées à la genèse et à la conception de l’IAR-80, quand treize autres détaillent le développement de l’appareil de série et ses modifications successives. On passe donc rapidement au « gros morceau » : l’IAR-80 en service. Notons que cette imposante partie se verra émaillée d’éléments techniques.

Un bref rappel : le 10 novembre 1940, la Roumanie, riche de son pétrole convoité par les belligérants, menacée d’annexions par la Bulgarie, la Hongrie et l’URSS, se range du côté des forces de l’Axe sous la férule du dictateur Ion Antonescu. Dès juin 1941, les IAR-80 entrent dans la danse et, lors de missions d’escorte, se frottent aux Polikarpov I-16. C’est le début d’une longue suite de missions, largement détaillées dans l’ouvrage, et abondamment illustrées de témoignages. Les opérations sont narrées par ordre chronologique, quasiment au jour le jour, et témoignent que l’IAR-80 est loin d’être un acteur mineur de la guerre 1940-1945.

Si, dans un premier temps, les IAR-80 ont surtout maille à partir avec des I-16 ou des Yak, ce sont bientôt les Lightning et les Mustang qu’il faut affronter, avec un « jour de gloire » le 10 juin 1940 et d’âpres combats dans les jours qui suivent.

23 août 1944, changement de programme. Le roi Michel Ier procède à l’arrestation du conducător Ion Antonescu ; la Roumanie change de camp. L’ami d’hier devient l’ennemi et la Roumanie rejoint le camp des Alliés. Sur les IAR-80 comme sur tous les appareils roumains, la croix jaune cède la place à une cocarde tricolore (rouge-jaune-bleu), et la bande jaune est repeinte en blanc. Le Bf 109 G devient l’ennemi, mais l’IAR-80, dont l’obsolescence se fait jour, se voit retirer jusqu’aux missions d’escorte, de plus en plus fréquemment confiées à des Yak plus performants ; il se voit confiné à des missions d’attaque au sol.

La production du chasseur roumain cesse à l’automne 1944. Quelques appareils sont reconvertis en biplaces d’école. Tous les IAR-80 sont ensuite ferraillés ; il n’en subsiste aucun exemplaire authentique (ceux que l’on peut voir sont des répliques).

On s’en aperçoit aisément, le chasseur roumain connut une existence mouvementée qui mérite qu’un s’y arrête. Cet ouvrage ressemble fort à une chronique au jour le jour, parsemée de témoignages divers et bien entendu d’une riche iconographie. Les considérations d’ordre stratégiques, de même que les cartes, font néanmoins un peu défaut, en particulier pour un non-initié aux arcanes de l’histoire et de la géographie de la Roumanie. Un lecteur attentif pourra s’étonner de la présence d’illustrations d’ordre technique dans la partie dédiée à la carrière opérationnelle. Ce fait apparemment incongru retrouve sa pertinence lorsqu’on s’aperçoit qu’au fil des combats des modifications furent apportées aux appareils, modifications largement évoquées dans le texte. Ceci explique pour une bonne part la relative brièveté du chapitre consacré à l’aspect purement technique.

De manière prévisible, l’ouvrage se termine par plusieurs pages de plans au 1/72 d’une remarquable précision (série après série, excusez du peu !), de superbes profils (34 pages), ainsi que les indispensables tableaux (pertes, accidents, pilotes tués, victoires aériennes, armements, etc.) Un ouvrage non dénué d’atouts pour l’histoire d’un appareil attachant qui connut une destinée peu commune.

Philippe Ballarini


228 pages, 21 x 29,7 cm, relié

En bref

Éditions TMA

ISBN 978-2-915205-08-6

50 €