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Indépendance

Canastel 59-61
Jean Gravier


Ouvrage épuisé

« Après 10 heures de vol, tu crois tout savoir,
Après 100 heures, tu es sûr de tout savoir, et…
Après 1000 heures, tu t’aperçois que tu ne sauras jamais tout »

C’est ce que Jean Gravier découvre inscrit sans une salle de l’aérodrome de Canastel, le centre de vol à voile d’Oran où il vient de mettre les pieds aux vacances de Pâques 1959.
Ce sera aussi le fil rouge auquel il essaiera de se référer au fur et à mesure de l’expérience accumulée en vol, et qu’il vient aujourd’hui nous raconter.

Ce livre, Indépendance, est en effet la retranscription du journal qu’il tenait alors dans ses cahiers d’écolier, et relate toute sa progression en vol à voile jusqu’à son départ pour l’armée fin 1961.

Dans un style très vivant, il raconte sa découverte du vol à voile, du pilotage lui-même mais aussi de tout ce qui entoure : l’activité, les moniteurs forts en gueule, la discipline, les copains et copines, les fêtes, l’entraide, les travaux à l’atelier ou en piste. Il découvre le vol mais aussi un nouveau mode de vie via les joies de l’école buissonnière.

Astucieusement l’auteur alterne les comptes-rendus et les dialogues avec, en italique, ses réflexions in-petto. Cela permet de vivre avec lui ses aventures, et de se glisser dans sa tête pour les réflexions et les commentaires.

Évidemment, vu la période, tout se déroule avec en toile de fond les « événements » d’Algérie. Pourtant, par la magie de l’insouciance adolescente, la première moitié du livre n’y fait finalement que peu d’allusions, comme si cela se passait dans des mondes bien séparés.
Insouciance d’autant plus aveuglante qu’elle se conjugue avec une culture nord-africaine, toutes communautés confondues, de la fatalité. Puis, petit à petit, l’état de guerre, les révoltes, les attentats, la répression deviennent de plus en plus présents jusqu’au jour où ils stopperont les vols auxquels l’auteur tenait tant, ce qui davantage que les contraintes de sa vie quotidienne, l’amènera à se rendre compte de la gravité de la situation.

Indépendance est donc un mot au double sens. L’indépendance revendiquée par certains, mais tant redoutée et combattue par les proches de l’auteur. Cette indépendance qui sera finalement accordée par les politiques. Mais aussi et surtout l’indépendance à laquelle accède un adolescent un peu introverti à l’aube de sa vie d’adulte, au prix de choix parfois bien difficiles à prendre.

Pour qui a connu le vol à voile des années cinquante à soixante-dix, cette lecture est comme un bain de jouvence, et nombreux reconnaîtront les doutes, les affres et les plaisirs connus avec la découverte des planeurs et du vol à voile. Ah, les personnages de Walkowiak et du Dr Deloupy, plus vrais que nature !

Avec le recul, on laissera à l’auteur le droit le plus absolu à nous raconter les événements vus pas son côté « Algérie française » familial et communautaire, en comprenant les raisons de leur colère sans être obligé de les partager.

Mais cela reste anecdotique par rapport au sujet principal du livre, ce parcours initiatique vélivole d’un adolescent si agréable à revivre avec l’auteur. Au point de vue de l’iconographie, l’ouvrage est enrichi des photos prises à l’époque par l’auteur. Bien que la qualité de reproduction ne soit parfois pas toujours parfaite, cela leur confère une originalité indiscutable, surtout avec les vues en couleur.

Jean-Noël Violette


421 pages, 15,5 x 24 cm, broché

En bref

Éditions Persée

ISBN 978-2-35216-898-0

épuisé
23 €