Inferno

Les bombardements de Hambourg de l’été 1943 demeurent l’un des événements les plus dramatiques de la Seconde Guerre mondiale. Bombardée pendant huit jours 24 heures sur 24, la ville connut un martyre sans précédent, essentiellement sur l’initiative de « Bomber Harris », les B-17 de la « Mighty 8th » de l’USAAF bombardant de jour et les bombardiers de la RAF de nuit. Le résultat fut humainement épouvantable pour un résultat stratégique insignifiant. La doctrine de Douhet*, à laquelle croyait fermement l’Air Chief Arthur Harris*, s’avérait erronée (ce qui n’empêchera pas les Alliés de récidiver à Dresde en février 1945).

Il faut remercier le scénariste Philippe Pinard d’avoir eu l’idée de porter à la connaissance du grand public ce que fut l’enfer de cette « opération Gomorrhe* » assez peu connue en France. Le scénario se déroule essentiellement dans les airs, dans la nuit du 29 au 30 juillet 1943, avec l’équipage d’un Lancaster qui va participer à un raid nocturne sur la ville hanséatique. La trame du récit se déroule en totale conformité avec la réalité historique : les accidents au décollage, la ligne Kammhüber la Flak, les problèmes météorologiques, les attaques des chasseurs de nuit de la Luftwaffe, le retour difficile… La dernière vignette affichera des éléments du bilan du Bomber Command pour cette nuit-là.

Si le scénario est tiré à quatre épingles, il est soutenu par l’excellent travail du graphiste Antoine Crespin. Le dessin est précis sans être abrupt, la mise en couleur remarquable ; les appareils s’avèrent « justes de forme », le découpage des planches est classique et les « angles de prise de vues » variés. Selon ce qui est devenu une habitude chez l’éditeur Paquet, les planches représentant des scènes diurnes sont sur fond blanc et les nocturnes sur fond noir. Cela paraît peu de chose, mais modifie profondément le « climat » des pages concernées, de même que les alternances de couleur des vignettes (le bleu sombre de la nuit et le rouge violent du sol). Un satisfecit en ce qui concerne la représentation des explosions et des incendies, point faible de bien des illustrateurs. On remarquera également le visage quelque peu poupin des membres de l’équipage. Ce n’est pas un effet graphique ou une erreur : il s’agissait d’hommes vraiment très jeunes*.

L’album est fort bien titré : c’est bien l’enfer qui s’abattit sur Hambourg et c’est ici admirablement illustré. Au bout du compte, Inferno a une portée documentaire non négligeable et s’il s’insèrera dans l’étagère « bandes dessinées » des amateurs d’Histoire, il trouverait volontiers sa place dans les C.D.I. * des collèges et lycées.

Philippe Ballarini

* Selon le général italien Giulio Douhet, théoricien de l’aviation (1869-1930), les offensives aériennes permettraient de remporter la victoire en bombardant les arrières de l’ennemi, y compris les cibles civiles, pour « casser » le moral de l’ennemi.
* Arthur Travers Harris, surnommé « Bomber Harris » ou « Butcher Harris ».
* Dans la Genèse, les villes de Sodome et Gomorrhe fut totalement détruites par une pluie de feu tombant du ciel et envoyée par Dieu.
* À 21 ans, on était souvent de doyen d’un équipage.
* CDI : Centre de Documentation et d’Information.

48 pages, 24 x 32 cm, relié couverture cartonnée
0,550 kg

Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet

Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet

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