Couverture d'Invisible Enemy, par Gyula POZSGAY
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Invisible enemy

En 1969, un inconnu dépose un livre sur le seuil de « Dezsőke » Szentgyörgyi. Dans celui-ci, une liste des as hongrois de la Seconde Guerre mondiale, où il a la surprise de découvrir le nom de son père, Dezső. Il va donc voir celui-ci, pilote de ligne pour Malév, afin de lui faire raconter l’histoire qu’il a soigneusement mise de côté depuis 1945 : son expérience de pilote de chasse, au cours de laquelle il a accumulé trente victoires confirmées contre des appareils américains et soviétiques.

Après The Old Tiger, qui se basait sur l’histoire de son propre grand-père, et Young Lion, qui s’intéressait à László Molnár (troisième as hongrois, tombé au front), Gyula Pozsgay change donc de recette : au lieu d’un récit de combats effrénés, c’est un dialogue entre père et fils qu’il utilise comme fil rouge.  Le scénario en souffre un peu, avec des enchaînements assez mécaniques où le père, placé sur le pli central, raconte une poignée de victoires. Dans la deuxième partie, la narration se fait parfois plus classique, mais c’est alors l’anticommunisme primaire qui domine. Cela laisse un goût étrange : oui, les pilotes hongrois ont défendu leur patrie comme ils le pouvaient sous le joug d’un gouvernement totalitaire complice des nazis, avant d’être traités comme des traîtres par un gouvernement totalitaire complice des soviétiques. Mais pourquoi, alors, seul celui-ci est-il montré comme une dictature qui maltraite ses populations, laissant vaguement l’impression que le précédent était normal et légitime ?

Extrait de la page 36 de Invisible Enemy
La dictature communiste a été une période horrible, notamment pour les anciens militaires. Mais on ne dira rien de la précédente dictature fasciste de Szálasi ni de l’alliance entre Horthy et l’Allemagne nazie…

Sur le plan graphique, Gyula Posgay confirme sa maîtrise totale de son art. Personnages, appareils, mise en page, tout est expressif, dynamique et élégant. Certains cadrages semblent même choisis pour bien montrer aux spécialistes que l’on parle de Lisunov Li-2 et non de Douglas DC-3. Les allergiques au rendu « informatique » pourront critiquer les dégradés et certaines palettes de couleurs, mais c’est un travail remarquable.

Autre pétouille technique : comme dans The Old Tiger, on note une poignée d’erreurs de traduction. Ainsi, « son avion a calé, puis est tombé en vrille » semble avoir confondu les deux traductions de « to stall » – caler pour un moteur de voiture, ou décrocher pour une aile. Il est également clair, p.19, que les Bf 109 larguent des réservoirs supplémentaires et non des bombes.

Voici donc un album superbe, qui confirme les qualités graphiques de Gyula Posgay. On regrettera d’autant plus l’orientation politique du scénario, qui franchit le Rubicon en ne se contentant plus de réhabiliter des pilotes déchus et persécutés (souvent injustement, c’est indéniable), mais critique le régime soviétique au point de faire paraître plus légitime l’alliance avec le pouvoir nazi.

Franck Mée


48 pages, 24 x 32 cm, relié couverture cartonnée

Planche 1 de Invisible Enemy
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Paquet

 

Planche 2 de Invisible Enemy
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Paquet

 

Double page 20-21 de Invisible Enemy
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Paquet
En bref
Éditions Paquet ISBN : 978-2-88932-489-7 14,50 €