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J’étais un kamikaze

Yasuo Kuwahara

J’étais un kamikaze. Deux récits portent ce titre et ils furent rédigés par des auteurs aux sentiments opposés. Celui que nous proposent ici les éditions Jourdan a été écrit dès 1957 par Yasuo Kuwahara sous forme d’article dans une revue américaine. Il fut développé pour la publication peu après, son auteur décédant quant à lui en 1980.

Rares furent les pilotes destinés aux missions kamikaze à avoir survécu. Mais ceux qui portèrent témoignage de ce qui fut pour les Alliés l’une des actions les plus mal ressenties de la guerre furent encore bien moins nombreux. Aussi ce récit est-il précieux pour tenter de percevoir ce qui amena le Japon et certains de ses soldats dans cette attitude de la fin de guerre. Notons toutefois immédiatement que ce récit présente quelques éléments incorrects (par exemple, la base de Hiro est proche de Tokyo, soit plus de 700 km ― et non 80 ― d’Onomichi). Nous serions donc face à un récit transposé, un peu comme l’est Le Franzous.

Le personnage principal de cette prétendue autobiographie devint champion de vol à voile à l’âge de quinze ans en 1943 et fut ainsi remarqué par l’Armée de l’Air Impériale qui le recruta dans les mois suivants. Partir à la guerre à quinze ans au début de 1944, c’est basculer dans un monde d’adultes qui ne vous considèrent plus comme en enfant mais pas encore comme un des leurs. Et comme dans toutes les armées du monde, le choc est rude, d’autant plus pour le lecteur occidental actuel* face à des méthodes japonaises radicales datant de soixante-dix ans.

Mais au cinquième chapitre, la jeune recrue, brevetée pilote et affectée à la chasse, est dans son élément. Elle est alors confrontée à une réalité plus terrible encore : l’ennemi et la mort. Et même pire : la doctrine d’emploi de l’arme aérienne qu’elle ne comprend pas. Là réside la force du livre : les sentiments propres de ce pilote, leur évolution, ses doutes, rages et atermoiements. La cinquantaine de pages qui leur est consacrée passe vite mais laisse deviner combien ces mois furent longs pour un très jeune homme qui ne parvenait pas à associer son encadrement et l’orientation définie par le Dahonei*. Partagé entre la crainte et l’espoir d’être à son tour affecté aux tokkotai (les unités consacrées aux missions sans retour), Yasuo est enfin nommé pour l’escorte d’une telle mission. Puis à son retour, il est versé dans les réserves d’une prochaine attaque qui se fait attendre, attendre … 6 août 1945 : l’ordre tombe.

La suite, stupéfiante et inattendue, nous conduit jusqu’au 23 août 1945. Troublante et offrant un éclairage sur une âme japonaise, plus simplement une âme humaine au sein d’une société chamboulée, elle est à l’image de ce livre apportant un témoignage fort face à nos stéréotypes. Fictif, réel ou transposé, ce texte a néanmoins l’intérêt d’être cohérent et d’interroger sur les buts et les moyens d’une société tiraillée entre ses fondements et une réalité qui la dépasse.

François Ribailly


182 pages, 14 x 21,5 cm, broché


* Faut-il néanmoins rappeler l’expression « éducation anglaise » pour souligner que les coups de trique n’étaient sont pas exclusivement extrême-orientaux ?
* Quartier-général impérial

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Jourdan Éditions

ISBN 978-2-87466-224-9

16,90 €