Réguliers comme une horloge, Tom Tully et Joe Colquhoun ont livré Johnny Red toutes les semaines pendant deux ans pour l’hebdomadaire Battle. Après L’envol du faucon et Le diable rouge, voici donc le dernier tiers de cette centaine d’histoires, Des anges sur Stalingrad.
À première vue, rien ne change : c’est l’histoire d’un Anglais versé par le destin dans une escadrille russe, qui se bat contre les Allemands avec maestria et inconscience. L’histoire un peu simple de ce « héros » caractériel est superbement portée par le trait de Joe Colquhoun, dessinateur alors quinquagénaire, maîtrisant parfaitement son art, capable de merveilles lorsqu’il s’agit de représenter des scènes de guerres détaillées et dynamiques dans le cadre étroit d’un hebdomadaire en noir et blanc à l’impression approximative.
Le scénario est plus inégal, même si ce troisième volume poursuit l’évolution dans le bon sens du deuxième. D’abord, Tully se défait définitivement du carcan des trois planches hebdomadaires et étale ses arcs narratifs sur plusieurs semaines, permettant d’approfondir un peu son sujet. Ensuite, Johnny, jadis héros unique puis chef de bande, n’est plus le champion qui sauve tout le monde ; il se fait remettre en place et dépend de ses camarades pour s’en sortir. Enfin, et surtout, le récit descend au niveau du sol et plonge plus honnêtement dans la réalité de la guerre, Johnny et Nina se retrouvant mêlés aux fantassins de Stalingrad.
Le dessin dynamique et détaillé colle bien à quelques scènes plus réalistes,
annonciatrices de La grande guerre de Charlie.
Est-ce un hasard si, quelques mois plus tard, Dave Hunt, rédacteur en chef de Battle, faisait passer Mouhoun sur La grande guerre de Charlie, qui deviendrait son œuvre maîtresse ? On trouve en tout cas dans ces pages les germes de certains éléments-clefs de cette nouvelle série, des personnages sans réelle influence sur les événements, la saleté crue de ceux qui ne sont plus là que pour tenter de survivre, les sacrifices cyniques des autorités et, surtout, l’idée que « tous les hommes qui vivent et meurent dans ce fichu bazar méritent d’être qualifiés de « héros » ! »
Ça ne fera évidemment pas oublier l’autre signature de Johnny Red, les rebondissements gratuits dépourvus de toute logique. C’est sans doute dans cet album que l’on trouve le record de la série : Johnny, prisonnier des Allemands, s’évade en s’accrochant au bord d’attaque d’un Sukhoi Su-2 qui passe en rase-mottes ! De telles péripéties nuisent évidemment un peu à l’évolution du scénario, mais elles rappellent surtout que, après tout, cela n’était qu’un récit héroïque pour jeunes adolescents…
Reste un bien bel album, soigneusement réalisé sur un papier de qualité, qui permet de retrouver le dessin de Joe Colquhoun et l’ambiance échevelée des illustrés de notre jeunesse.
Franck Mée
126 pages n&b et couleur, 20 x 30 cm, cartonné
Traduction : François Peneaud
– Préface de Garth Ennis
– Les albums de la collection Johnny Red
Avec l’aimable autorisation de
© Delirium
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© Delirium