Raymond Vanier est bien connu du monde des passionnés de l’aéronautique depuis la publication en 1960 de ses mémoires Tout pour la ligne consacrés à sa participation à l’épopée de l’Aéropostale où s’illustrèrent les Saint-Exupéry, Mermoz et autres Guillaumet sous la poigne de fer de Daurat. L’éditeur toulousain Loubatières propose aujourd’hui au lecteur le journal de guerre de Vanier, resté jusqu’à ce jour inédit, dont l’édition a été établie par le conservateur général du patrimoine François Bordes. Avouons-le d’emblée : des notes prises au jour le jour par un soldat confronté à l’apocalypse de la Grande Guerre ne peuvent être lues comme un roman, ce qui requiert de la part du lecteur une solide connaissance du conflit et de ses multiples acteurs. Cet ouvrage s’adresse donc prioritairement à des passionnés avertis de cette période, alors même qu’une centaine de pages sur les 250 que compte le récit sont consacrées à son affectation dans l’artillerie qu’il rejoint dès les premières heures des hostilités. Ce n’est qu’en mars 1917, à la suite de bien des démarches, qu’il est muté dans l’aéronautique afin d’entamer sa formation de pilote militaire. Écrit dans un style alerte aussi précis que détaillé ce journal de guerre restitue particulièrement bien le quotidien d’un poilu devenu aviateur, évoquant parfois des scènes d’une violence terrible restituées avec une distance d’écriture tout à fait remarquable, sans cette émotion exacerbée souvent présente dans ce type de récit.
L’ouvrage suit bien évidemment une organisation chronologique, les chapitres ayant été découpés par années de guerre de 1914 à avril 1919, date de sa démobilisation. Le parcours de Raymond Vanier dans l’aéronautique débute, comme cela se doit, par son passage en école de pilotage, tout d’abord à Juvisy, puis au camp d’Avord pour s’achever en école d’acrobatie à Pau, avant de rejoindre le front au sein de la N 57, escadrille de chasse où s’illustre le lieutenant Chaput. Le lecteur trouve dans les pages de Raymond Vanier des informations trop souvent méconnues sur cette période essentielle de l’instruction des jeunes pilotes, depuis les nombreux accidents jusqu’aux rencontres avec le futur général Girod, chargé par Joffre de réorganiser les écoles d’aviation pendant la guerre. Devenu pilote de chasse, Vanier évoque un quotidien bien différent de celui du poilu, noyé qu’il était dans l’anonymat des tranchées. Il est ainsi brutalement projeté dans le monde privilégié de l’aéronautique, où comme il le dit lui-même : « Nous sommes excessivement bien reçus et appelés parfois « Monsieur », chose bien rare dans l’armée… » Si son récit fait la part belle aux combats qu’il mène au sein de son escadrille rattachée au Groupe de combat n° 11, il ne manque pas d’évoquer ses rencontres avec quelques grandes figures, Guynemer bien sûr, Nungesser, Pinsard, mais aussi le député d’Aubigny, auteur en 1919 d’un rapport sur l’aéronautique pendant la Grande Guerre, ou bien encore Clemenceau. Bref, un ouvrage précieux mais qui aurait sans doute gagné à être accompagné d’un appareil critique solide permettant d’éclairer le lecteur afin qu’il puisse en apprécier toute la richesse.
Paul Villatoux
256 pages, 14,5 x 22 cm, couverture souple
– Édition établie par François Bordes