En 1991, Dargaud publiait La meute, premier (et unique) tome des aventures de Kim Wolf. L’auteur, Patrice Serres, n’était pas un inconnu dans le petit monde de la bande dessinée aéronautique : il avait notamment assisté Jijé sur Tanguy et Laverdure, avant de dessiner lui-même l’intégralité de deux albums à la mort de celui-ci. En revanche, c’était la première fois qu’il créait un scénario de BD, au départ conçu en vue d’une adaptation télévisée.
Vingt-et-un ans après, Grand West réédite cet album, dans une version noir et blanc destinée à mettre en avant le trait de l’illustrateur.
Sur le plan graphique, c’est assez réussi. Serres avait commencé sa carrière comme encreur de « comics » et cette édition noir et blanc permet d’apprécier le graphisme très américain, assez différent des écoles belges qui dominaient nos années 70-80 : Uderzo travaillait beaucoup en fines hachures, Jijé nous avait habitués à ajouter des aplats à franges tandis que Hubinon utilisait une ligne plus claire, mais peu de dessinateurs européens avaient adopté le graphisme très contrasté, en larges aplats de pinceau aux bords francs et nets, qui était la règle américaine ― à l’exception peut-être de Giraud, qui utilisait parfois ce type de rendus dans Blueberry. Ce dessin tranché se distingue donc agréablement et l’association d’un papier épais satiné et d’une encre mate assez profonde rend un bel hommage au trait de Serres, même si l’on peut peut-être noter quelques petits détails d’impression, quelques points noirs dans le ciel ou blancs dans les aplats, dont on ignore s’ils sont vraiment volontaires.
Reste que Kim Wolf avait une faiblesse, qui explique peut-être que l’album n’ait pas eu de descendance : le scénario. Rempli d’action effrénée et de rebondissements improbables, il ne prend jamais le temps de se poser un peu pour présenter ou approfondir ses personnages. On peut en dire autant des premières œuvres de jeunesse de Charlier (Les Japs attaquent, L’école des aigles…) ou de Weinberg (Le triangle bleu) ; mais celles-ci ont été publiées dans les années 50 et défrichaient l’univers de la BD aéronautique. Trente-cinq ans plus tard, les standards narratifs avaient évolué, la bande dessinée était devenue plus adulte, et de tels enchaînements d’action ininterrompue ne pouvaient plus séduire un public habitué à des personnages plus fouillés, parfois ambigus (voir par exemple Uchinsky dans Les agresseurs, 44e Buck Danny, paru en 1988) et capables de douter d’eux-mêmes.
Ce point ne s’est évidemment pas simplifié avec des séries plus franchement psychologiques comme Fox one ou creusant le réalisme de leurs personnages comme Bombroad, et le scénario simpliste, capillotracté et manichéen de Kim Wolf fait aujourd’hui l’effet d’une série des années 60 égarée hors du temps.
Pour les amateurs de beau dessin à l’américaine, en revanche, cette réédition est assez incontournable.
Franck Mée
48 pages, 24 x 31 cm, relié
Avec l’aimable autorisation de © Éditions Grand West
Avec l’aimable autorisation de © Éditions Grand West
Avec l’aimable autorisation de © Éditions Grand West