Dire de nos jours que les AWACS (Airborne Warning And Control System) sont une composante indispensable à toute force aérienne prétendant tenir le haut du pavé est une banalité. La France s’en est donc dotée en 1990 et depuis plus de trente ans, les quatre « Systèmes de Détection et Commandement Aéroportés » (SDCA, le pendant français de l’acronyme anglo-saxon AWACS*) Boeing E-3F ont été de toutes les opérations extérieures et intérieures majeures.
La 36e Escadre a été créée pour les mettre en œuvre depuis Avord et c’est d’elle dont parle brillamment cet ouvrage, rédigé collectivement par une équipe de passionnés, sous la direction du Lieutenant-colonel Pilast, commandant d’escadre. Très richement illustré par une iconographie toujours bien reproduite, souvent inédite, l’ouvrage couvre à part égale les trente ans d’utilisation opérationnelle des SDCA français (1), des Balkans en 1992 (opération « Sharp Vigilance ») à la Syrie en 2018 (opération « Hamilton ») et les capacités et équipements techniques complexes dont dispose l’appareil (missions types, radars primaire et secondaire, communications, surveillance électronique et maritime…)
Le volet « maintenance » n’est pas négligé, que ce soit à travers l’activité de l’Escadron de soutien technique aéronautique « Septaine », ou à travers les visites à l’industriel, sujet souvent peu abordé. On en apprend encore beaucoup, également, sur la genèse du projet dans les années 80, ou encore sur les simulateurs de mission et de conduite et les remises à niveau régulières du système.
Côté « traditions et histoire », on a droit au grand jeu, avec un historique de chaque escadrille de tradition (SAL 58, BR 43, SAL 253 et BR 257) suivi d’une relation de l’engagement des deux groupes de l’escadre durant la Deuxième guerre mondiale, une présentation complète des emblèmes, anciens et modernes et des insignes homologués, sans oublier les inévitables patches (qui sont légion !). Une page est même consacrée au Groupe de chasse II/2 « Berry », bien qu’il n’existe aucune filiation entre cette unité de chasse française au sein de la Royal air Force et l’Escadron « Berry » d’Avord, si ce n’est le nom de tradition.
Critiques mineures, on pourra regretter l’absence de témoignage de personnel qui aurait pu donner lieu à des vécus passionnants, tant la diversité des spécialités (navigantes, embarquées ou au sol) est importante au sein de cette unité peu courante (2). Par ailleurs, il semble quelque peu abusif de titrer « 1932-2022 », dans la mesure où une « première 36e Escadre » est en activité de 1932 à 1940 et une « deuxième 36e Escadre » voit le jour après une coupure de… 50 ans ; on excuse bien volontiers ce « grand écart temporel », tant l’escadre d’Avord perpétue consciencieusement le souvenir de son ancêtre des années 40.
Deux ouvrages ont précédé celui-ci, un premier en 2005 (à la diffusion quasi-confidentielle) et un second à l’occasion du passage du cap des 50000 heures de vol, mais il manquait une production de qualité professionnelle, au contenu exhaustif, apte à satisfaire tant les anciens de l’unité, que les aérophiles ou les amateurs de beaux ouvrages aéronautiques : voilà ce manque comblé, et de bien belle manière.
Bernard Palmiéri
ouvrage collectif. 240 pages, couverture rigide, format 24 x 29,5 cm.
1650 g
– (1) Appellation adoptée en 1995 en remplacement du « SDA » (système de détection aéroportée) initial.
– (2) Les seuls utilisateurs de Boeing E-3 sont les États-Unis (en cours de remplacement par des E-7 Wedgetail), le Royaume-Uni (en cours de remplacement par des E-7 également, trois E-3D repris par le Chili), l’Arabie saoudite et la France.