Il existe différentes lectures d’un même événement historique ; dans ce registre, la bataille d’Angleterre est un cas d’école, car elle fait couler de l’encre depuis l’immédiat après-guerre. Voilà bien un sujet (la première bataille 100% aérienne) qui suscite encore bien des discussions et des débats, parfois même un peu âpres ; notre liste thématique La bataille d’Angleterre en est témoin. Il nous a paru judicieux, en particulier peu de temps après le 70e anniversaire de la bataille d’Angleterre, de porter notre regard sur un ouvrage qui fut publié en 1948, alors que les cendres étaient encore tièdes, ce qui nous est permis par la réimpression en fac-similé du livre du colonel Paquier*, La bataille aérienne d’Angleterre.
Ce n’est pas par hasard que certains livres font partie du fonds documentaire du CESA**. Comme tous ceux de la collection « La pensée préservée« , celui-ci a été choisi en raison de ce qu’il apportait à une réflexion sur la stratégie aérienne. Le déroulement chronologique de cet épisode primordial de la Seconde Guerre mondiale nous est présenté dans un découpage pertinent devenu classique (et souvent repris par bien des auteurs), mais l’amateur averti y apprendra peu de chose, d’autant plus que cette narration ordonnée en paragraphes bien distincts occupe un peu moins de la moitié de l’ouvrage. L’intérêt majeur de l’ouvrage est ailleurs, par exemple dans les conclusions stratégiques et tactiques que pouvait tirer en 1948 un officier supérieur de l’armée de l’Air. Près de la moitié de l’ouvrage est occupé par des annexes d’un intérêt certain, telle que l’analyse approfondie du rapport officiel de l’Air Chief Marshal Dowding, des récits de combats (dont des extraits de l’incontournable Le dernier ennemi de Richard Hillary), mais également des extraits de documents allemands (traduits en français), dont un « plan d’invasion de l’Angleterre », des comptes-rendus de conférences, des ordres de Hitler, des rapports, etc. sans compter quelques tableaux (dont un « horaire de l’opération Seelöwe« )
L’un des grands sujets de débat quant à la bataille d’Angleterre porte aujourd’hui sur Seelöwe, l’opération allemande d’invasion des îles britanniques après un débarquement dans la région de Douvres. Était-ce sérieusement envisagé ou s’agissait-il d’un bluff de Hitler ? Pour l’auteur, la question ne semble pas se poser. D’ailleurs, à qui se posait-elle en 1948 ?
Un œil avisé remarquera combien l’impact de la propagande fut efficace, car on retrouve dans cet ouvrage les traces de quelques opérations d’intox tant allemandes que britanniques : évocation de Heinkel He 113 et de Henschel Hs 124 au combat, chiffre de 982 appareils allemands abattus par la « défense aérienne française » pendant la bataille de France de 1940. Il est néanmoins vain de faire un mauvais procès à l’auteur quant à ces inexactitudes, celles-ci n’ayant commencé à être écorniflées que plus de trente ans après la parution de La bataille aérienne d’Angleterre. Il sera sans doute bien plus profitable d’utiliser cet ouvrage pour appréhender la pensée aérienne de l’immédiat après-guerre. À cela s’ajoutera le plaisir de feuilleter un de ces élégants volumes de la collection « La guerre aérienne : la pensée préservée » des éditions Lavauzelle. Rappelons qu’il ne s’agit pas à proprement parler de réédition, mais de réimpression sous forme de fac-similés aussi proches que possible de l’ouvrage original, dans de beaux livres, reliés dos cuir et plats papier relieur, que l’on manipule avec un plaisir certain.
Philippe Ballarini
– (156 pages, format 14,8 x 21 cm, relié)
– Ouvrage édité en 1948
* Le colonel Paquier, auteur de plusieurs ouvrages d’aviation, fut l’aide de camp de Georges Mandel en 1940.
** CESA : Centre d’Études Stratégiques Aérospatiales
Cet ouvrage fait partie de la collection
La guerre aérienne : la pensée préservée