Ce livre est présenté comme la traduction française de Air Battle Dunkirk du prolifique auteur britannique Norman Franks, publié en 2017. Il aurait été plus rigoureux envers le lecteur et acheteur de préciser que l’édition originale date en réalité de 1983, et que le texte reflète donc le niveau de savoir de cette époque, et non de 2017 voire 2019. Depuis, l’état des connaissances a sensiblement augmenté, notamment sous la forme des casualty packs, dossiers que le Ministère de la Défense de Sa Gracieuse Majesté a récemment versés dans le domaine public (série AIR 81 aux archives nationales britanniques de Kew). Cette matière première inédite a été abondamment utilisée dans Air Combat Archive – Dunkirk de Simon Parry et Mark Postlethwaite, également sorti en 2017.
Ainsi dans l’idéal, le lecteur français souhaitant mieux comprendre l’activité aérienne pendant l’opération Dynamo aurait tout intérêt à se baser sur la version française proposée par YSEC pour la facilité de compréhension, et compléter pour le détail (numéros de série corrects, identités complètes, etc.) avec l’autre publication due à l’éditeur Red Kite, dans la langue de Shakespeare.
On l’aura compris, l’existence de cette version française est donc l’atout numéro un de cet ouvrage. La traduction est due à Alan McKay. Cela se ressent par endroits, où un français de naissance aurait utilisé une autre tournure de phrase, mais le niveau est excellent par ailleurs. Le style est agréable, fluide. On peut regretter quelques mots manquants, ou inappropriés, des petites fautes typographiques telles qu’un numéro erroné de Squadron…
S’agissant d’une traduction, il est manifeste, en comparant les deux versions, que les défauts du livre original se retrouvent dans la version française : absence des prénoms d’aviateurs ou seulement ceux des plus célèbres, ou leurs surnoms, preuve de facilité s’il en est, serial number des avions erronés, faiblesse de fond des annexes et absence de sens critique, absence de sources. Il manque en français l’index onomastique de l’édition anglaise, mais on trouve en contrepartie une page d’Yves Buffetaut sur la très maigre participation de l’armée de l’air à cette opération. Un défaut typographique sur cette page 205 ne se retrouve heureusement pas dans le reste du livre.
Le volume est classiquement chronologique, deux chapitres introductifs sont suivis d’un chapitre couvrant chaque journée du 26 mai au 3 juin. Le livre est assez agréable à lire, malgré l’aspect vite répétitif des actions, et les petits défauts signalés ci-avant. Là où l’ancienneté de l’ouvrage se révèle un avantage, c’est qu’au début des années 1980, de nombreux aviateurs ayant volé au dessus de Dunkerque étaient encore en vie. Leurs témoignages se distinguent du texte principal par une mise en page en léger retrait : procédé simple et efficace. Le chapitre 11 sert de conclusion, et montre les enseignements tirés de cette campagne de neuf jours. Cette analyse se révèle primordiale pour mieux comprendre la bataille aérienne de Dunkerque.
L’iconographie est rassemblée dans un cahier central, en noir & blanc, principalement axé sur les personnels, sans être exhaustive. Elle compte aussi une carte des routes maritimes, ce qui permet d’appréhender quelque peu les distances et les contraintes de cette couverture aérienne. Le tableau en première annexe totalise 15 pages, combinant revendications de victoires et pertes de la Royal Air Force. Cette compilation manque de précision quant à la géographie, d’où l’intérêt évoqué plus haut de recourir à un autre ouvrage pour y trouver les précisions voulues, autant qu’il soit possible. La découverte de plusieurs épaves de Hurricane et Spitfire, récemment remises en état de vol outre-Manche, aurait constitué un agréable épilogue.
Nonobstant les observations qui peuvent sembler trop négatives, ne boudez pas ce Bataille aérienne de Dunkerque publié dans la langue de Molière, dans un style plaisant à lire, de loin la grande force de ce livre.
Jocelyn Leclercq
208 pages, 23,5 x 15,3 cm, broché
0,320 kg