La boue, la neige, la pluie, la chaleur, le bruit incessant de la mitraille, le jour, la nuit suivis d’autres jours et de nuits sans sommeil, et cela pendant les 11 mois que dura la Bataille de Verdun. En 1916, Guillaume II décide de jouer son va-tout et lance une offensive d’une brutalité extrême sur ce bourg planté sur la rive droite de la Meuse pour défaire les alliés dans ce conflit qui dure déjà depuis deux ans et n’en finit plus de finir. La ville et ses alentours assiégés voient s’affronter des milliers de soldats pour qui la guerre n’est en fait qu’une boucherie, une mangeuse d’hommes insatiable, dévoreuse de vie et grande consommatrice de sang. Perdue, reconquise, Verdun est synonyme d’armes et de larmes, d’honneur pour les uns, d’horreurs pour les autres. Des poilus dans les tranchées aux aviateurs dans le ciel, chacun lutte pour vaincre ou périr, ou gagner dans la tourmente qui des blessures, qui une jambe de bois, qui une gueule cassée. Tous ces braves ont bien appris le refrain du Chant du départ qui leur inculque qu’« un Français doit vivre pour elle [la République], pour elle un Français doit mourir ».
Dans cet ouvrage, Georges Pagé décrit avec une précision extrême et un style bien enlevé le quotidien de ces combattants bien souvent de l’ombre. En effet, seuls et certains aviateurs ont l’honneur de la presse. Elle ne parle d’ailleurs que de ces chevaliers du ciel et relate avec force détails leurs exploits. Ici, personne n’est oublié. Certes, l’aviation occupe une place prépondérante mais les poilus, fantassins, observateurs, aérostiers, mécaniciens, artilleurs, infirmières, douaniers dédiés aux missions spéciales, animaux mascottes des unités et même les artistes présents au front dont la mission est de croquer sur le vif le quotidien dans les tranchées et en escadrille, ne sont pas en reste. Et au milieu de la mêlée, malgré la rivalité qui les oppose, l’héroïsme, le courage et même un fond d’humanité subsistent dans les deux camps. Le tout relaté d’une plume légère quelquefois empreinte de poésie.
Quelques anecdotes ou témoignages et un cahier photos central viennent agrémenter ce livre dont les sources sont puisées dans les archives publiques et privées. Un ouvrage qui vient à point pour célébrer le centenaire de la Grande guerre, de la Der des Der. Dommage toutefois que Georges Pagé ait succombé aux sirènes du mythe d’un Fonck vengeur de Guynemer et absent lors de la bataille de Verdun. Pour le reste, rien à redire sinon qu’à lire avec un indicible plaisir les 288 pages dédiées au devoir de mémoire.
Corinne Micelli
312 pages, 15,5 x 23 cm, broché