Il ne faut pas chercher dans ce livre la source définitive sur l’histoire de la construction aéronautique à Saint-Nazaire, ni même la voix unanime des ouvriers de cette industrie au cours des cinquante dernières années. C’est plus simplement un clin d’œil aux bons et moins beaux jours passés par l’auteur sur son lieu de travail et au sein d’une grande confédération syndicale.
L’œil critique et le style léger, celui-ci sait nous emmener suivant des thèmes qu’il a choisis avec soin. Car si l’ouvrage débute avec son entrée à l’école d’apprentissage pour s’achever à sa retraite, la chronologie n’est qu’apparente, du moins pour la première partie du livre.
« Découverte d’un monde nouveau », « le conflit de 1950 », « l’apprentissage », « la cantine », « le comité d’établissement », « l’atelier », « la vie sociale », etc. sont certains des sujets abordés. Le ton est tendre, acide parfois, drôle souvent et les premiers chapitres emportent le lecteur dans les « lieux » les plus inattendus.
Mais passée la moitié de l’ouvrage, l’auteur change peu à peu d’angle de vue, comme s’il s’agissait d’un autre livre. Entre temps, la SNCASO est devenue Aérospatiale, puis Airbus et enfin EADS. Et là, il n’a plus envie de rire. La direction a changé, le personnel aussi. Le ton devient plus grave ; la nostalgie largement présente au début du livre laisse visiblement place à une grande contrariété devant ce qu’est devenue « son usine » en seulement quelques années.
Jean Caron, apprenti puis ouvrier, devenu dessinateur au bureau d’études, n’a sans doute pas voulu laisser là un témoignage pour l’histoire ; les dates sont rarement citées, de même que les noms des personnages les plus en vue ou les plus attaqués. Pour autant, on y retrouve quelques grands moments de la vie industrielle nazairienne, à même d’intéresser non seulement ceux qui les ont vécus (ainsi que leurs enfants), mais également ceux qui savent que pour faire voler des avions, des pilotes et des mécaniciens ne suffisent pas et qu’il faut d’abord des concepteurs et des ouvriers.
Thierry Le Roy
160 pages, 14 x 21 cm, couverture souple