Environ un quart des bombes alliées qui furent larguées sur l’Europe durant la Seconde Guerre mondiale le furent sur la France, ruinant des dizaines de villes, faisant environ 60 000 morts dans une population déboussolée et terrorisée. Ce sujet dramatique, de moins en moins de personnes sont en mesure de l’évoquer par leur témoignage. Par ailleurs, c’est un sujet sur lequel fut longtemps jeté un voile pudique, voire gêné : les Alliés avaient libéré la France du joug nazi, et c’est tout ce qui comptait. Il faut reconnaître que cette question des bombardements alliés a toujours été délicate à aborder : la propagande vichyste y a largement puisé pour tenter de dresser les Français contre ceux qui seront leurs libérateurs.
Le sujet, longtemps passé sous silence, a néanmoins été passablement abordé par un nombre raisonnable d’ouvrages récents (une vingtaine depuis l’an 2000). Pour autant, ces livres, études d’histoire régionale consacrées à une cité précise ou volumineux traités d’un millier de pages, sont globalement destinés à un lectorat averti. L’intérêt de ce documentaire réside dans le fait qu’il fait œuvre de vulgarisation (dans le sens noble du terme).
Ce sujet, qui éveille parfois encore des rancœurs dans certaines familles, est traité ici d’une manière qui conviendra tant au parfait curieux peu rompu aux arcanes de la Seconde Guerre mondiale (y compris collégiens et lycéens) qu’à l’amateur averti qui y trouvera des images et des témoignages.
Le documentaire, s’il est centré sur la question du bombardement de villes françaises, va puiser plus profond, puisqu’il fait démarrer l’histoire pendant la Première Guerre mondiale, par une assez brève allusion, avant de planter le décor. Les premières bombes anglaises tombèrent d’abord sur Dunkerque en juin 1940, lors de l’attaque de la RAF contre les armées allemandes stationnées à proximité. La suite du film n’est pas qu’un amoncellement d’évocations de bombardements, lesquels sont replacés dans un contexte stratégique : les destructions des ports sont ainsi différenciées de celles d’usines produisant des biens pour l’occupant ainsi que les dévastations de nœuds ferroviaires. L’accent est mis sur le Transportation Plan visant à restreindre profondément la mobilité des troupes allemandes l’été 1944, ceci sans pour autant que les autres opérations, comme celle des attaques contre les « poches de l’Atlantique », soient négligées.
Les deux points de vue sur ces opérations sont bien présents : celui des Alliés pour qui ces bombardements sont jugés indispensables, et celui des Français bombardés, des nuances étant apportées par d’autres, comme par exemple des Résistants ou des combattants de la France Libre. C’était bien là la difficulté de la réalisation de ce documentaire que de traiter le sujet avec pondération, mettant en évidence les contradictions, et en évoquant des Français « déchirés entre amertume et gratitude ».
Le film est élaboré à partir d’images d’archives ainsi que de témoignages émanant de personnes ayant vécu sous ces bombes, ainsi également que du regretté Jean-Louis Crémieux-Brilhac. Les amateurs de bombardiers en verront de nombreux, Blenheim, Stirling, B-17… Modernisme oblige, la plupart des fragments de films d’archives ont été colorisés, mais d’une manière discrète et judicieuse. Voilà donc un DVD qui constitue une excellent entrée en matière quant aux bombardements alliés sur la France, ou encore un complément illustré des doctes ouvrages évoqués plus haut.
Philippe Ballarini
91 min. N&B et Couleur, son stéréo Dolby digital 2.0
Avec l’aimable autorisation de
© France Télévision
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