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La guerre à 30 000 pieds

35 missions de bombardement
au-dessus de l’Allemagne nazie
Wally Hoffman & Philippe Rouyer

Ouvrage épuisé

C’est un livre écrit à quatre mains, avec la particularité qu’un chapitre sur deux est à la première personne du singulier, et l’autre se présente comme une sorte de complément. L’autobiographie, c’est celle de Wally Hoffman, qui a grandi dans un Oregon agricole dans les années difficiles qui ont suivi la crise de 1929. Engagé dans l’Air Corps après Pearl Harbor, comme tant d’autres, il franchit toutes les sélections et devient pilote. Oh, il voulait devenir pilote de P-47, mais se retrouve aux commandes d’un camion à bombes, un B-17, et responsable en plus de l’équipage « qui va avec ».

L’ensemble se lit assez bien, le changement de type de narration d’un chapitre à l’autre agissant comme une pause, comme si on lisait deux livres simultanément sans rien perdre de l’un ni de l’autre. Le récit de la jeunesse du futur aviateur, à des lieues de l’aviation, m’a personnellement beaucoup plu. J’ai regretté en revanche un certain manque de détails et de précisions sur l’entraînement au pilotage, sur certaines étapes importantes de la carrière de tout pilote, comme le macaronnage (pas de date, pas de photo, pas de copie du brevet).

C’est une autobiographie agréable à feuilleter, avec une réflexion importante de l’ancien combattant sur ce qu’il a fait, les situations qu’il a vécu, comme tous ceux de sa génération.

Les chapitres de Philippe Rouyer sont eux aussi agréables à parcourir, mais comportent un certain nombre d’erreurs, voire de contrevérités flagrantes. L’exercice fiscal dans le numéro de série d’un avion de l’USAAF est celui de la commande, pas celui de la fabrication de l’avion. Dans le Bomber Command de la RAF, le chef de bord est toujours le pilote, même s’il est sous-officier et qu’il y a quand même un officier dans l’équipage. Y a-t-il eu confusion avec notre armée de l’Air ? Également, la plupart des Bomb Group de la 8th Air Force (c’est valable aussi pour la 9th) comprenaient bien 4 Squadron et non pas 3, ce qui était l’apanage des Fighter Group. Et aucun Bomb Group ne comptait 240 B-17 ! On ne peut non plus comparer un Squadron du Bomber Command de la RAF avec un Bomb Group de la 8th Air Force, les niveaux administratifs n’étant pas les mêmes. Les organisations sont différentes, et Philippe Rouyer ne semble pas l’avoir bien compris.

On constate en outre de nombreuses coquilles, voire carrément des mots manquants dans certaines phrases, des orthographes erronées. À un moment du livre, le lecteur attentif se rendra compte avoir déjà lu un passage un peu plus tôt. La page 139 est une paraphrase de la 61, c’est un peu dommage.

En fait, le problème principal que j’ai rencontré à la lecture de ce livre, c’est que j’ai voulu en savoir plus, et je n’ai pas trouvé trace d’un commandant de bord au 351st BG au nom de Wallace R. Hoffman. J’ai consulté le site internet du Group : il y a bien eu un aviateur de ce nom dans cette unité, mais il était mitrailleur, et non pas pilote.

Nulle part on ne lit où et quand Wally Hoffman reçoit ses ailes de pilote. La constitution de son équipage est expliquée, mais il faut attendre plusieurs chapitres pour connaître ne serait-ce que les prénoms de ses compagnons de vol. Pourquoi ne pas donner leurs noms de famille ? Et encore, qui était le mitrailleur latéral droit ?

La traversée de l’Atlantique Nord en convoyant un B-17 (j’ai des doutes sur le fait qu’il s’agissait vraiment d’un modèle G à cette période), l’arrivée au 351st Bomb Group, la première mission opérationnelle ne sont elles non plus pas datées. Tout au mieux apprend-t-on, en étant vigilant dans la lecture, que le raid sur Schweinfurt du 14 octobre 1943 est le quatrième de l’équipage. Et Wally Hoffman achève son tour d’opération début 1945. Il lui aura fallu une quinzaine de mois, 4 ou 5 fois plus que la moyenne, et sans aucune raison invoquée (blessure ou maladie par exemple). Ou s’agit-il là aussi d’une coquille et il faut lire 1944 ?

J’ai surtout voulu en savoir plus à cause du chapitre « On se mouille les pieds ». Lors d’un raid sur Berlin le 4 mars 1944, le B-17 du commandant de bord Hoffman est gravement endommagé par la Flak au-dessus de la capitale allemande. Quatre aviateurs sont tués, dont le copilote assis juste à côté de lui. L’avion prend le cap de la Grande-Bretagne sur deux moteurs, mais est contraint à un amerrissage sur la Mer du Nord. Deux aviateurs disparaissent dans les eaux glacées. Les quatre survivants sont récupérés par le secours en mer. Le hic, c’est que cette perte n’est documentée nulle part, le 457th BG ne perdant aucun avion ce jour-là.

Alors que faut-il en penser ? Autobiographie romancée ? Petits arrangements avec l’histoire ? Le style agréable du livre tranche avec la véracité et la précision de son contenu. La forme est bonne, mais c’est le fond qui manque… Un lecteur averti en vaut deux.

Jocelyn Leclercq


192 pages, 16 x 24 cm, couverture souple
Environ 200 photographies noir & blanc d’époque

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YSEC

ISBN 9782846731096

épuisé
20 €