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La guerre à ciel ouvert

Irak 1991, la victoire rêvée
Valery Rousset

On croyait tout savoir de la guerre du Golfe, de l’opération Desert Storm, qui s’est déroulée début 1991 dans un vaste théâtre d’opérations centré sur l’Irak et le Koweït. La lecture de cette analyse de Valéry Rousset, trente ans après les faits, agit donc comme un révélateur. Les moins de quarante ans ne peuvent s’en souvenir, mais il est bon de rappeler la médiatisation à outrance du conflit, essentiellement par les chaînes de télévision du monde entier, et bien évidemment la chaîne d’informations en continu américaine CNN. On se souvient des images verdâtres du ciel nocturne de Bagdad et des tirs de missiles, des frappes dites « chirurgicales » sur les bunkers et les hangars bétonnés pour avions. Même de France, on pouvait voir les traînées de condensation des B-52 décollant de Fairford en Angleterre pour aller bombarder le Moyen-Orient.

L’ouvrage est évidemment centré sur la part prépondérante que l’aviation a occupée pendant cinq mois entre l’invasion du Koweït, le déclenchement des raids aériens et enfin l’offensive terrestre. Mais au-delà de l’aéronautique, il couvre les autres aspects du conflit : la guerre navale bien sûr, les combats au sol, le fait qu’il s’est agi là de la première guerre spatiale, le renseignement (avant, pendant et après), l’information, la géopolitique, la préparation, le complexe militaro-industriel. De nombreuses références sont faites à de précédentes campagnes, que ce soient les bombardements stratégiques sur l’Allemagne ou le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, le Vietnam, les conflits israélo-arabes et bien sur la guerre Iran-Irak. Les tensions politiques de cette région du globe sont étudiées tant pour expliquer les raisons de l’invasion d’août 1990, que les conséquences après-guerre.

C’est un livre dense, 416 pages auxquelles il convient d’adjoindre 11 pages de glossaire, remerciements, crédits photographiques, bibliographie et une table des matières. Bien écrit, sa lecture reste néanmoins exigeante. Préface et introduction laissent la place à vingt chapitres, chacun nanti d’un titre reflétant bien le contenu à venir, et une conclusion. De nombreuses photographies émaillent la publication. Légendées avec précision, on ne peut que regretter leur taille, souvent réduite à une demi largeur de page quand elles sont publiées côte à côte, également gênées par la reliure. On aurait apprécié une reproduction en plus grande taille, surtout avec le papier de qualité (satiné très blanc) parfaitement adapté à un usage mixte (texte et photos).

Outre la bibliographie citée en fin d’ouvrage, dans des notes de bas de page, l’auteur fait référence avec précision à des centaines d’articles sur des sujets spécifiques, dans des revues ou périodiques spécialisés, des conférences, voire des archives déclassifiées, parfois seulement en partie. Le lecteur qui souhaitera approfondir le sujet n’aura alors qu’à trouver le document pour aller plus loin dans la quête de la connaissance.

Bien loin des conclusions simplistes au sujet de cette guerre du Golfe, Valéry Rousset décortique patiemment le vrai du faux. Certaines avancées technologiques (l’utilisation du GPS, l’avion E-8 Joint-STARS*) ont vraiment fait la différence, et d’autres ont été survendues : l’efficacité des attaques des F-117 et celle des missiles Patriot, les sur-revendications de la coalition au sujet de la campagne anti-Scud, alors qu’au final, aucun camion érecteur n’a été détruit pendant toute la campagne. L’efficacité de certaines parties de l’engagement, de missions, de matériels et munitions est également questionnée sans langue de bois.

La prépondérance américaine dans la coalition n’a pas permis de développer la part française (1 à 2 % du volume des opérations) mais cela n’était pas le but de l’ouvrage, qui se veut avant tout une analyse de la guerre du Golfe, un « triomphe sans victoire », titre du vingtième chapitre.

Fruit de vingt-cinq années de collecte de renseignements, d’études, de rencontres, après un premier ouvrage paru en 1996 sur le même sujet, bénéficiant de documents saisis lors de l’invasion de l’Irak en 2003 et d’archives récemment déclassifiées, ce livre bien produit est une analyse rigoureuse et détaillée des enseignements à tirer de cette guerre aérienne du Golfe.

Jocelyn Leclercq


* Joint-STARS : Joint Surveillance Target Attack Radar System : l’œil dans le ciel dont le développement est arrivé juste à temps pour prendre part activement et efficacement à la libération du Koweït.


432 pages, 15,6 cm x 23,4 cm, couverture souple
0,759 kg


En bref

Éditions Decoopman

ISBN 978-2-36965-109-3

29 €