Vous êtes ici : Récits et romans   

La guerre d’Algérie à 20 ans
1954-1962

Témoignage d’un appelé observateur-mitrailleur sur T-6
Daniel Cadet

L’ouvrage de Daniel Cadet est en fait un livre double. On peut très bien n’en retenir que la relation de la vie d’un membre d’équipage d’EALA* en Algérie à travers son quotidien, rapporté chronologiquement depuis son volontariat pour servir dans l’armée de l’Air et dans le personnel navigant, en Algérie, soit deux chapitres qui courent sur un peu plus de 80 pages. On peut aussi passer rapidement sur ces pages et débuter la lecture de la seconde partie, d’une quarantaine de pages, qui recueille les réflexions de l’auteur sur le contexte politique, son questionnement sur son engagement, son avis sur les nombreux évènements tragiques qui ont marqué une guerre qui ne disait pas alors son nom.

Rebuté par la vie de 29 mois de conscrit lambda qu’il voit arriver, Daniel Cadet choisit de passer son service militaire en tant qu’observateur sur T-6. Après son stage à la DIOM* de Caen, il est affecté chez les « Ramel » de l’EALA 6/72 de Kenchéla, au sud-est de Constantine. Son récit ne manque pas d’intérêt, car il livre nombre de détails matériels et opérationnels, mais également humains, sur le fonctionnent d’une escadrille : les missions journalières, les camarades abattus, les rapports entre appelés du contingent et militaires de carrière, le soutien des troupes au sol, les techniques d’attaque, la vie en dehors des vols … Ces pages sont agrémentées de photos inédites (pas seulement aéronautiques) dues à l’auteur, dont l’intérêt est quelque peu desservi par leur taille réduite et leur tirage, mais aussi par la qualité du papier. Ensuite, l’auteur se place délibérément sur un autre plan, celui des idées. À travers des chapitres intitulés « La trahison du chef de l’État », « Police française et barbouzes avec le FLN*«  ou encore « Pour en finir avec la fable du 17 octobre 1961 », il n’a de cesse de livrer son profond ressentiment sur l’indépendance de l’Algérie et, selon lui, le sacrifice inutile de tous les militaires tués, la falsification des évènements au profit de l’oubli forcé, la trahison des civils et des militaires par les hautes sphères de l’État. Partisan de l’Algérie française** et convaincu de l’œuvre sociale et économique que la France a mis en œuvre de l’autre côté de la Méditerranée, l’auteur ne peut accepter l’issue de la Guerre d’Algérie, d’autant qu’il considère que la France ne l’a pas perdue et de ce fait, que les Français ont subi une « désinformation officielle » qui se poursuit encore, à ce sujet et au profit du FLN. C’est en fait ce qui se dégage majoritairement au fil de ces 140 pages : le sentiment d’une jeunesse pleine d’engagement et d’allant, physique et intellectuel, mais cruellement gaspillée par la raison d’État. Quoi qu’il en soit, ce livre se lit d’une seule traite ou presque, grâce au style alerte et concret de l’auteur.

Bernard Palmieri


144 pages, 16 x 24 cm, broché


* EALA : Escadrille d’Aviation Légère d’Appui
* DIOM : Division d’Instruction des Observateurs Mitrailleurs
* FLN : Front de Libération Nationale (Algérie)

** Algérie française : soucieux du fait que ce terme puisse être ambigu et connoté politiquement, l’auteur précise sa pensée pages 60 et 61 : « Il était facile, en quelques années, de faire émerger parmi la population autochtone une classe de dirigeants capables de prendre en main la destinée de l’Algérie en lien étroit avec toutes les composantes de ce pays et en bonne intelligence avec la France. »

En bref

Atelier Fol’Fer

ISBN 978-2-35791-074-4

19 €