Voici un livre peu commun. Écrit comme un roman qui vous accroche de la première à la dernière ligne, cet ouvrage raconte l’histoire de Joseph Renaud, âgé d’un peu plus d’une dizaine d’années lorsque la Grande Guerre éclate. Il ne s’agit pourtant pas d’une fiction puisque la petite-fille du héros s’appuie sur les cahiers à petits carreaux tenus par son grand-père pour élaborer un récit qui va bien au-delà du premier conflit mondial, contrairement à ce que pourraient laisser entendre le titre ainsi que la photo de couverture.
Né dans une famille de verriers lorrains, le jeune Joseph vit à Baccarat lorsque la guerre éclate. Le lecteur se trouve ainsi plongé dans le quotidien d’une famille ouvrière avec cinq enfants entre 1914-1918 avec des retours en arrière permettant de mieux saisir la vie difficile qui est la leur. L’auteur relate également avec force détails le parcours du père, Victor, mobilisé dès les premières heures puis grièvement blessé avant de devenir gendarme auxiliaire en Auvergne. Les descriptions sur la présence des troupes allemandes à Baccarat, puis l’arrivée des Américains s’avèrent très riches sur le plan historique et donnent une dimension très humaine à des événements que l’on croit connaître sans avoir souvent saisi les perceptions des populations de l’époque.
Ce n’est qu’à partir de la page 270 de l’ouvrage que la dimension aéronautique est enfin abordée, alors que Jo, qui appartient à la classe 1920, accomplit son service militaire en tant que mécanicien au 12e régiment d’aviation basé à Metz. Il est par la suite envoyé au régiment de Neustadt dans une escadrille de bombardement de jour dans le Palatinat, équipée de Breguet XIV et de Caudron R.11. Le quotidien de la vie en escadrille d’un mécano est ainsi restituée tout au long d’une soixantaine de pages particulièrement denses avec le récit de son premier vol, d’une tentative de looping avortée, les accidents auxquels il assiste mais aussi la naissance de l’aviation civile avec les premiers Goliath F60 reconvertis en appareils de transport. Bref, tout un monde qui revit grâce à la plume alerte de l’auteur qui nous fait partager les rêves et l’enthousiasme d’un jeune homme dans un monde qui le fascine.
L’auteur s’attache à contextualiser tous les événements évoqués de manière précise à l’aide de photographies, de croquis, de plans et de notes de bas page. Elle n’hésite pas à insérer des extraits manuscrits des cahiers de son grand-père dans le corps du texte, rendant celui-ci encore plus vivant. La bibliographie en fin de volume est bienvenue, de même que le cahier central de photos en couleur qui reprend des modèles appartenant pour beaucoup à l’Amicale Jean-Baptiste Salis. Un seul regret : l’absence de table des matières et de chapitres, ce qui peut rendre difficile la lecture de l’ouvrage pour celui qui souhaiterait, par exemple, se concentrer sur la dimension aéronautique.
Paul Villatoux
359 pages, 15,5 x 24,1 cm, couverture souple
0,532 kg