Entre 1980 et 1988, l’Irak et l’Iran se sont affrontés au cours d’une guerre impitoyable, interminable, violente et aux conséquences désastreuses. À l’époque, on parlait déjà de la « Guerre du Golfe », puisque les opérations dans le Golfe Persique et les attaques menées par les deux camps contre les navires partant approvisionner le monde occidental en pétrole faisaient les gros titres des journaux avant que les opérations de 1991 ne viennent en récupérer le nom. D’ailleurs, cette « deuxième » guerre du Golfe, qui opposa l’Irak de Saddam Hussein à une coalition internationale est la conséquence, et la suite, directe du conflit Iran-Irak, ce qu’explique très bien cet ouvrage.
Pierre Razoux, spécialiste de l’histoire contemporaine du Moyen-Orient et de ses conflits expose ici, dans un livre dense et précis, le déroulement chronologique des opérations mais aussi l’immense jeu politique international qui s’est joué autour des deux belligérants car pour de nombreuses puissances orientales comme occidentales, les enjeux géopolitiques et géostratégiques de la région étaient immenses. Qu’un camp l’emporte sur l’autre et les conséquences auraient été catastrophiques. La France épaulant l’Irak de Saddam Hussein, elle a donc subit les foudres d’un régime iranien guidant les prises d’otages au Liban et ses attentats à Beyrouth, Marseille ou Paris, surtout lorsqu’elle a cherché à se rapprocher… de Téhéran !
Côté aéronautique, l’auteur a profité des recherches les plus récentes sur le sujet et démontre le rôle important joué par moment autant par les hélicoptères de combat et de soutien que par les avions de chasse et de reconnaissance. Les combats aériens ont également été très nombreux (plus de 200 victoires pour la chasse iranienne et une cinquantaine pour les chasseurs de l’autre camp). La lutte anti-navires a également constitué un pan d’importance de l’emploi des avions de combat, au point de rendre la navigation des pétroliers dans le Golfe Persique extrêmement risquée.
Attaques suicides de troupes fanatisées, enfants-soldats, tirs de missiles sol-sol contre les villes, emploi d’armes chimiques, dommages civils collatéraux, cette guerre a été aussi une compilation de toutes les horreurs des guerres du XXe siècle. C’est la chute, orchestrée, des cours du pétrole qui a cependant amené l’Iran à accepter la fin des hostilités en 1988. Le traité de paix définitif est signé en août 1990, 18 jours après l’invasion du Koweit par les troupes irakiennes…
Les annexes sont constituées des nombreuses notes des différents chapitres, ce qui est moins agréable à consulter que les notes en bas de page, mais aussi d’une imposante chronologie, des récapitulatifs des forces en présence, des livraisons d’armes au cours du conflit, du marché du pétrole. Les sources et archives consultées ainsi que les nombreux entretiens et relations que l’auteur a entretenus avec des acteurs, des témoins ou des spécialistes de ce conflit sont listées. L’auteur s’est également appuyé sur des enregistrements originaux de réunions auxquelles participait Saddam Hussein, récupérés à la chute de son régime par les américains et aujourd’hui accessibles aux chercheurs.
L’ouvrage de Pierre Razoux est donc l’histoire d’un conflit particulièrement bien documenté, parfaitement organisé et très clair même si il n’a pas vocation à être lu « comme un roman ». Il est aussi riche de révélations des jeux internationaux les plus troubles dont le Moyen-Orient a été l’enjeu dans les années 80, tout comme sur la nature profonde des régimes politiques et sociaux des belligérants.
Frédéric Marsaly
984 pages, 10,8 x 18 cm, couverture souple