En 2011, Frédéric Marsaly rédigeait la recension ci-dessous. Dans sa conclusion, il déplorait certaines carences à combler pour que cet ouvrage devienne « d’un « plutôt bon » livre un « excellent » ouvrage de référence ». En 2015, Privat nous propose une nouvelle édition « revue et augmentée », selon la formule consacrée. Un chapitre de 19 pages intitulé Retrouvailles a été ajouté, évoquant la période d’après le retour à Bâle-Muhlouse en juin 2015 du Super Constellation « Star of Switzerland ». Davantage un prétexte à de nouvelles (et superbes) photographies qu’une évocation des meetings auxquels l’appareil de légende a participé.
PB
Peut-être le plus élégant des avions de ligne de l’histoire, le Lockheed Constellation est un appareil superbe. Il a marqué l’histoire du transport aérien, bien que son âge d’or n’ait duré finalement qu’une dizaine d’années avant que le réacteur n’expédie au rancart les fabuleux moteurs à pistons. Bien sûr, quelques appareils survécurent, donnant l’impression de dinosaures égarés et finalement, la race faillit s’éteindre sans que pourtant l’appareil ne soit oublié. Le mythe perdura sans doute en raison des clichés, ceux du transport aérien élitiste des interminables traversées transatlantiques dans le confort tout relatif de ces avions, compensé par les attentions du personnel de bord dont rêvent toujours les voyageurs des liners d’aujourd’hui.
Cette légende est encore bien vivante et c’est celle du Lockheed Constellation que l’auteur narre dans la première partie de l’ouvrage. Des premiers coups de crayons de Clarence « Kelly » Johnson, jeune et brillant ingénieur de Lockheed, dessinateur du non moins légendaire P-38 Lightning jusqu’aux cimetières où ces superbes appareils ont parfois attendu le pic du ferrailleur, c’est une histoire dense, pleine de noms célèbres, de jolis gestes et de drames qui est relatée. L’amateur d’histoire, avide de faits pointus et de références précises n’y trouvera cependant pas son compte, pas plus que l’amateur de technologie car c’est là une évocation « mondaine » de l’appareil, un bel exercice littéraire, une démonstration illustrée des racines de la légende.
Cette légende est aujourd’hui à nouveau vivante. Quelques passionnés, à qui on avait sans doute oublié de dire que c’était « impossible », ont remis en état de vol un Super Constellation L.1049 aux USA, et après une restauration minutieuse ont entrepris la traversée de l’Atlantique pour venir en Europe où l’appareil est basé depuis, sponsorisé par l’horloger suisse Breitling. Il participe depuis à de nombreux meetings aériens où il est capable alors de voler la vedette à n’importe quel chasseur de haute technologie. Certains vols permettent même à quelques passagers privilégiés et motivés de se replonger dans l’ambiance du transport aérien de l’immédiat après-guerre.
C’est donc l’histoire de cette aventure tout autant humaine que technique qui nous est dévoilée dans ce qui est la partie la plus convaincante de l’ouvrage. Rien ne nous est caché des motivations des meneurs de cette aventure, de leurs premières initiatives et de leurs échecs, de leurs grandes réussites et de leurs grandes joies, mais aussi de quelques prises de risque et coup de poker, sans oublier les inévitables bras de fer avec certaines administrations. L’ouvrage s’achève avec l’arrivée de l’appareil à Bâle-Mulhouse en 2004.
Dommage pour un ouvrage dont la rédaction s’est achevée en 2008 pour une publication en 2010 de ne pas avoir, même succinctement, évoqué ces quatre années de meetings aériens, car la légende d’un avion ancien n’est pas seulement sa remise en état de vol ; ce sont bien ses vols fréquents, ce que l’appareil a effectivement fait jusqu’en 2010 où un gros chantier de lutte contre la corrosion lui a fait garder le hangar de longs mois.
Il n’aurait pas été compliqué de pallier ces lacunes et de faire de ce « plutôt bon » livre un « excellent » ouvrage de référence ; il n’en est pas moins illustré avec goût et ne manquera pas de plonger ses lecteurs dans une certaine nostalgie, alimentant l’impatience de voir à nouveau cet appareil voler, spectacle que l’on pourra alors, en toute connaissance de cause, goûter à sa juste valeur.
Frédéric Marsaly
160 pages, 24 x 30 cm, relié
1,290 kg
Préfaces de Théodore Jendly et John Travolta