C’est aux Editions Arès, qui se consacrent à l’histoire politique et militaire, que l’on doit la dernière production du prolifique Belge Jean-Louis Roba. Il s’agit une fois n’est pas coutume d’un ouvrage consacré à l’aviation du IIIe Reich. Il importe ici de citer le court avant-propos, qui résume bien l’ambition de l’auteur : « Le lecteur est donc prévenu, il ne trouvera pas ici l’histoire complète des unités de la Luftwaffe en France, le récit détaillé des combat des parachutistes en Normandie, la dispersion des batteries de Flak, la description de la totalité des aérodromes de l’Hexagone ou la liste de tous les avions allemands perdus sur le sol français. »
Le postulat étant clairement énoncé, le livre débute par un glossaire fort utile et le premier des treize chapitres. La table des matières se trouve en fin d’ouvrage, de même qu’une table des encarts hors-texte. La construction du livre est chronologique, commençant avant la deuxième guerre mondiale, et s’achevant au premier semestre 1943, soit plusieurs mois après l’occupation de la zone libre. Certains courts chapitres sont plus thématiques, notamment sur « Donnerkeil », les retours temporaires ou « Jubilee ».
On saura gré à l’auteur d’avoir défriché le sujet des unités d’instructions basées en France, tout comme il consacre plusieurs pages aux troupes aéroportées (parachutistes et planeurs). Cet ouvrage de synthèse englobe tant la chasse de jour que la chasse de nuit, que les unités de bombardement, de reconnaissance, d’appui au sol, de patrouille maritime et de sauvetage en mer, à la fois au niveau des unités que des grands commandements organiques, de même que la Flak et les aérodromes. Sont également évoqués dans des encarts sur fond et typographie bleus divers sujets allant d’ordres de bataille à des biographies d’officiers généraux. Trois annexes complètent le livre et si la première est assez générale (Quelques désignations allemandes d’aérodromes français) les deux autres sont plus spécifiques et raviront les régionaux de l’étape et n’intéresseront que peu les autres, hormis l’aspect documentaire (pertes de la JFS 5 de Villacoublay de juin 1941 à juin 1942 et quelques revendications de la Flak côtière du Pas-de-Calais en 1941).
L’ensemble tient en 195 pages d’un papier de bon grammage permettant une impression de qualité des photographies et documents divers, le tout protégé par une solide couverture cartonnée.
L’iconographie est abondante, majoritairement en noir & blanc, rehaussée par quelques éléments en couleur, quelques clichés, plusieurs profils de Jean-Marie Guillou et des insignes d’unité. Si les avions se taillent la part du lion, les personnels ne sont pas en reste. Photographies de lieux et de situations équilibrent les illustrations, qui comportent aussi des plans et cartes, des Ausweis, de nombreuses cartes de deuil.
Le texte est précis mais quelques typographies se sont parfois glissées ici et là, ainsi que des petites erreurs quand le sujet abordé n’est plus la Luftwaffe. Jean-Louis Roba évoque la légende des bombes en bois, à laquelle il n’accorde aucun crédit, et propose à son lectorat une hypothèse logique qui avait été en son temps fournie sur les aéroforums, lorsque le sujet avait enflammé le site de discussions.
Tous les aspects positifs du livre sont malheureusement gâchés par endroits par des petites piques de l’auteur. Une certaine anglophobie, en tout cas une détestation de Winston Churchill, peut sembler gênante, quand quelques pages plus loin il semble justifier le pillage du Reichmarshall Göring par le fait qu’il ait acheté légalement et officiellement de nombreuses œuvres d’art auprès de marchands parisiens. Et de conclure que le Maréchal d’Empire Masséna avait en son temps fait bien pire, alors que Göring était un esthète.
Concernant le pseudo mythe de la Bataille d’Angleterre, s’il semble évident maintenant que le IIIe Reich n’avait pas les capacités de débarquer en Grande-Bretagne, la vigueur et l’âpreté de cette bataille aérienne n’enlève rien à la valeur des belligérants qui ont constitué un rempart, tout comme les eaux de la Manche. Jean-Louis Roba accorde également un immense crédit à ULTRA pour la conduite de cette bataille, sans fournir d’éléments de preuve, et n’évoque jamais, à contrario, l’usage du radar et du contrôle de la chasse, qui ont été un réel avantage tactique pour la R.A.F., bien plus que le décodage des messages secrets allemands qui demandait bien plus de temps pour avoir une influence sur le déroulement des combats aériens au jour le jour. Ce sont ces mêmes outils qui ont donné l’avantage à la Luftwaffe en infériorité numérique dans les combats aériens d’Europe du Nord-Ouest dans les années suivantes.
La pertinence des analyses est donc parfois gaspillée par le choix de mots (par exemple « de veules magistrats français » page 181) alors qu’un peu plus de retenue aurait mieux fait passer le message. Hormis ces points négatifs, la cible du sujet est bien atteinte, et constituera pour la majorité de son lectorat une fondation solide pour éventuellement aller plus loin.
Jocelyn Leclercq
196 pages, 21,5 x 30,5 cm, relié, couverture cartonnée
600 photos dont la plupart inédites
1,2 kg